Depuis l’arrivée en 2003 des premiers radars automatiques de contrôle de la vitesse sur les routes françaises, le sujet est toujours aussi explosif, toujours aussi clivant et sujet à toutes les polémiques. Chaque fois que les cabines ont été modernisées et améliorées pour mesurer les excès de vitesse – des radars tronçons aux radars feux rouges en passant par les radars chantiers et les dernières tourelles ultra-perfectionnées – le débat sur le bien-fondé des radars ressurgit de plus belle. L’extension à tout le territoire des voitures-radars privées, dévoilée jeudi soir, ne va pas échapper à la règle, d’autant plus que ces radars mobiles de nouvelle génération fonctionnant 6 heures par jour week-end compris n’ont plus besoin d’un flash pour épingler dans le flux de la circulation les automobilistes pressés… Procédé utile pour renforcer la sécurité routière et faire baisser la mortalité dont la vitesse reste l’un des facteurs prépondérants, diront les uns ; pernicieux et implacable système de traque des automobilistes qui alimente la "pompe à fric" que constituent pour l’Etat les radars, diront les autres.
Presque vingt ans après le Comité Interministériel de la Sécurité Routière qui avait annoncé le 8 décembre 2002 la mise en place d’un système de "contrôle et de sanction automatisés" et l’engagement de Jacques Chirac à faire de la baisse de la mortalité une cause nationale, n’est-il pas temps de sortir de ces oppositions et reconnaître les bienfaits mais aussi les limites des radars.
Les bienfaits sont incontestables puisque les radars ont permis de faire chuter la mortalité sur les routes qui était inadmissible dans un pays comme la France. Même si la diminution du trafic routier, l’évolution des infrastructures ou encore l’amélioration technologique des véhicules ont joué un rôle, ce sont bien les radars qui ont fait changer le comportement des Français au volant, les obligeant à lever le pied.
Mais à l’heure où 4 700 radars automatiques devraient être opérationnels fin 2022, les limites du système apparaissent comme vient de le souligner un rapport fouillé de 300 pages de la Cour des Comptes, sur l’"évaluation de la politique publique de sécurité routière". Les sages de la rue Cambon saluent évidemment l’efficacité des radars qui ont fait passer le nombre de morts par million d’habitants de 69,4 à 52,2 entre 2008 et 2013, mais soulignent qu’à l’instar d’autres pays européens, la France a atteint "un plateau" et surtout que depuis plusieurs années, la France fait moins bien que ses voisins – elle est passée du 7e rang en 2008 au 24e en 2019… Dès lors, la Cour estime que "les grandes mesures nationales visant les comportements devront, de plus en plus, être complétées par un recours à une gamme diversifiée d’autres moyens d’action, portant sur les véhicules, la signalisation et l’infrastructure."
Une approche dite de "système sûr" retenue par plusieurs pays européens et qu’il reste à inventer en France, collectivement et loin des polémiques.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 9 octobre 2021)