Accéder au contenu principal

Comprendre pour protéger

 terrorisme


Le 9 janvier 2016, lors d’un hommage rendu aux victimes de l’attaque terroriste de l’Hyper Kacher, survenue un an auparavant, le Premier ministre Manuel Valls avait lâché avec l’aplomb dont il est coutumier : « Il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. » Une petite phrase qui avait suscité un tollé auprès des chercheurs qui travaillent de longue date sur le terrorisme. Car évidemment, expliquer, ce n’est en rien excuser mais c’est chercher à comprendre quels sont les ressorts, les réseaux, les filières, les modalités, les moyens de radicalisation et leur évolution qui conduisent à des attentats. Et ce travail de décryptage permet justement de prévenir les attaques. « Connaître les causes d’une menace est la première condition pour s’en protéger », relevait d’ailleurs, à raison, un rapport du CNRS publié en mars 2016 (Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s’en protègent)…

Ce travail d’analyse et de compréhension, indispensable pour faire face à la menace terroriste, est aussi celui mené par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) qui vient de publier sous la direction de Dominique Reynié la mise à jour d’une remarquable étude « Les attentats islamistes dans le monde 1979-2021 ».

Quantifier le terrorisme islamiste, en repérer les formes qu’il a pu prendre au fil de ces décennies, en recenser les actes qu’il a pu inspirer ou initier, en estimer le nombre de ses victimes, en identifier les organisations les plus meurtrières et les pays les plus touchés, donne, d’évidence, des clés de compréhension mais aussi des faits permettant de contrer certains discours extrémistes ou complotistes. Ainsi il est important de rappeler que « la majorité des attentats islamistes (89,5 %) touchent des pays musulmans et que les victimes sont principalement des musulmans, dans les mêmes proportions ». Cela n’enlève rien de l’horreur des attentats qui ont été commis en France, et notamment en Occitanie, notre pays étant le plus frappé de l’Union européenne avec au moins 82 attentats islamistes et 332 morts…

En refaisant l’historique du terrorisme mondial, 20 ans après les attentats du 11-Septembre, l’étude de la Fondapol permet de mesurer combien le terrorisme islamiste a mué passant d’organisations structurées en un terrorisme low cost émergeant d’un « jihadisme d’atmosphère » pour reprendre l’expression de Gilles Képel. Un terrorisme porté par des individus radicalisés, en prison, parfois, et sur internet, souvent. Détecter ces individus avant qu’ils ne passent à l’acte est dès lors un travail de longue haleine mené par les services de renseignements.

La menace terroriste est toujours là, élevée et multiple. Y faire face demande des moyens, du sang froid mais aussi la conviction qu’il faut toujours agir dans le cadre de nos valeurs démocratiques, celles-là mêmes que les terroristes ne supportent pas.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 18 octobre 2021)


Posts les plus consultés de ce blog

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...