En laissant entendre qu’il allait se prononcer en faveur des Small Modular Reactor (SMR), ces petits réacteurs modulaires nouvelle génération qui viendraient en appoint dans les centrales classiques, mais aussi qu’il allait prendre une décision sur la construction de futurs EPR, les centrales de 3e génération, sans attendre la mise en service de l’EPR de Flamanville – dont les délais et les coûts ont explosé – Emmanuel Macron rouvre de façon fracassante le débat sur le nucléaire en France et en fait l’un des thèmes majeurs de la prochaine campagne présidentielle. Car autour de ce dossier gravitent de multiples sujets, aussi clivants qu’importants pour notre pays : la science, la souveraineté industrielle et énergétique, le pouvoir d’achat, l’environnement...
La science car le futur du nucléaire, dont la très attendue fusion, se dessine dans une course mondiale où la France, pionnière du nucléaire civil et puissance dotée de l’arme nucléaire, ne peut pas se permettre de laisser passer le coche. De cette maîtrise scientifique découlent des développements industriels futurs qui façonneront notre souveraineté, pour nos besoins propres comme pour l’export de notre savoir-faire dans ce domaine. En suivant, c’est bien aussi notre souveraineté énergétique qui est en jeu. Mieux vaut toujours produire son énergie que de dépendre d’importations de pays étrangers dont les prix fluctuants ont tôt fait d’asphyxier le pouvoir d’achat des ménages et la performance de nos entreprises. En produisant majoritairement son électricité grâce à son parc nucléaire, la France dispose aussi d’une électricité parmi les moins chères d’Europe…
Parler nucléaire c’est évidemment parler environnement avec cette épineuse question : les centrales nucléaires, qui n’émettent pas de CO2, sont-elles le meilleur moyen d’atteindre la neutralité carbone en 2050 comme la France s’y est engagée en signant l’accord de Paris, ou constituent-elles une fausse bonne idée compte tenu des déchets nucléaires qu’elles produisent et qui resteront un fardeau pour les générations futures ? Dès lors où placer le curseur du mix énergétique, entre le tout-nucléaire et le 100 % renouvelable ? En faisant le choix d’abandonner le nucléaire pour le renouvelable, l’Allemagne, pays autoproclamé le plus écologique d’Europe, est devenu le plus pollueur en étant contraint de laisser tourner des centrales à charbon polluantes… Peut-on suivre un tel exemple, surtout à l’heure où le pays est traversé par une fronde anti-éoliennes, celles-ci étant accusées de défigurer les paysages et d’être peu productrices ?
Les six mois de campagne présidentielle qui s’annoncent ne seront pas de trop pour répondre à toutes ces questions et déterminer où placer le fameux curseur. Mais déjà, on peut constater qu’il y a eu un basculement de l’opinion. La mauvaise image du nucléaire consécutive à la catastrophe de Fukushima semble bien loin : selon un sondage Odoxa paru la semaine dernière, 51 % des Français ont une image positive de l’énergie nucléaire…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 5 octobre 2021)