Pendant les confinements de la crise du Covid-19, cette pandémie qui a mis l’économie mondiale à genoux comme jamais auparavant, nous nous sommes mis à rêver du jour d’après. Nous avons imaginé qu’allait advenir un monde nouveau qui corrigerait les excès de la mondialisation, mettrait au cœur de nos sociétés la solidarité dont nous avions fait preuve face au coronavirus, et déclencherait, sinon la décroissance illusoire, du moins une croissance raisonnée, verte et vertueuse, pour mieux lutter contre le réchauffement climatique et les inégalités sociales. Las ! Force est de constater que nous en sommes loin et que comme disait Antonio Gramsci, le penseur marxiste italien, « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres »…
Face à toute nouvelle avancée technologique, surtout lorsqu’elle s’accompagne d’un enthousiasme débridé, il convient bien sûr de prendre de la hauteur pour en mesurer les enjeux : « Le progrès de la vitesse réduit la grandeur du monde », estimait l’urbaniste Paul Virilio, qui avait créé la dromologie, l’étude de la vitesse dans la société. Mais il faut se garder de prendre du champ car le métavers est tout sauf une affaire de geeks ou de gamers. Les sommes colossales actuellement investies dans les infrastructures et le matériel, le nombre d’entreprises qui se mobilisent, la concurrence acharnée entre Chine et Etats-Unis que l’on retrouve ici aussi montrent que le métavers peut constituer un futur terrain de jeu, entre affrontements et développement économiques, chocs des cultures et géopolitique, cyberguerre et cybercommerce.
Pour l’heure, difficile de dire si le métavers – ou les métavers – sera un eldorado ou un mirage. Mais l’émergence de ce concept ne peut pas être ignorée. Par l’Europe d’abord, qui, malgré l’excellence de ses ingénieurs, a raté le virage de l’internet et de la 5G. Mais aussi par les citoyens, où qu’ils se trouvent, qui doivent être vigilants face à un métavers préempté par le privé et pensé comme un outil mercantile fermé et non comme un espace démocratique ouvert.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 22 octobre 2021)