La fin de la gratuité des tests de dépistage du coronavirus sans prescription médicale constitue un tournant dans l’épidémie de Covid-19 en France. Depuis mars 2020, en effet, les tests naso-pharyngés et leurs angoissants écouvillons étaient devenus le symbole de l’épidémie et de toutes les étapes de la crise sanitaire, de la pénurie mondiale de réactifs pour les réaliser à l’imbroglio bureaucratique pour autoriser les laboratoires vétérinaires à participer à l’effort de guerre des campagnes de dépistage ; des couacs dans l’organisation des tests salivaires à l’école aux difficultés de mettre en œuvre la contraignante stratégie tester-tracer-isoler…
Après des débuts poussifs, au fil des mois, la France est pourtant devenue l’un des pays les mieux organisés, celui où l’on a le plus testé et surtout l’un de ceux qui ont toujours rendu gratuits les tests, pour ses citoyens et même pour ses visiteurs. Les Français se sont ainsi familiarisés avec les tests, lorsqu’ils avaient des symptômes, lorsqu’ils étaient cas contact d’une personne contaminée, lorsqu’ils devaient voyager à l’étranger et, depuis l’été, lorsqu’ils voulaient obtenir le fameux pass sanitaire, étendu à de nouveaux lieux, parce qu’ils ne voulaient pas se faire vacciner… Ce dernier cas a ainsi fait exploser le nombre de tests réalisés chaque semaine et donc le coût pour la Sécurité sociale, qui avoisinera les 6 milliards d’euros cette année. Il convenait d’y mettre un terme à l’heure où le vaccin pour tous, gratuit et efficace, est la meilleure arme contre le virus et le choix le plus rationnel pour obtenir son pass sanitaire.
En annonçant le 12 juillet pour cet automne la fin des tests gratuits dits « de confort », Emmanuel Macron a pris une décision logique, budgétaire autant que sanitaire pour pousser les Français encore récalcitrants vers le vaccin. La fin des tests gratuits constitue aussi une nouvelle étape car elle s’accompagne de la fin du fameux taux d’incidence – le nombre de contaminations pour 100 000 habitants – qui a toujours guidé le gouvernement dans ses choix de restrictions sanitaires. Ce changement de pied interroge et parfois inquiète les spécialistes sur l’impact que cela aura sur le suivi de l’épidémie de Covid qui pourrait toujours rebondir en une 5e vague, pour l’heure hypothétique.
C’est la raison pour laquelle l’exécutif entend bien conserver le pass sanitaire au-delà de l’échéance initiale du 15 novembre. « Après avoir été dans la réaction et l’adaptabilité pendant la crise, il faut désormais passer davantage à une logique d’anticipation face à l’inédit » a plaidé Emmanuel Macron en Conseil de Défense la semaine dernière. Et l’exécutif de souhaiter un prolongement de l’état d’urgence… jusqu’au 31 juillet 2022, c’est-à-dire au-delà du quinquennat actuel.
Certes, face au Covid-19, la vigilance et la capacité de réagir rapidement doivent rester de mise, mais l’état d’urgence – qui limite les libertés et dont l’efficacité reste difficile à mesurer – bouscule notre fonctionnement normal. Prolonger indéfiniment cet état d’exception – même pour de bonnes raisons – constituerait pour le coup un tournant pour notre démocratie.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 14 octobre 2021)