Les bons chiffres économiques s’enchaînent depuis quelques jours. Taux de chômage bientôt au niveau inespéré de 2008, prévision de croissance la plus forte de tous les pays européens, reprise économique de nombreux secteurs au fur et à mesure de l’allègement des restrictions anti-Covid : les voyants sont au vert et laissent espérer que l’onde de choc de l’épidémie de Covid-19 sur l’économie française commence enfin à s’éloigner.
Certes, il reste encore beaucoup d’inconnues pour que ce qui ne sont, pour l’heure, que des prévisions ou des frémissements se confirment. En raison des perturbations de production et de logistique en Asie, des pénuries touchent toujours de nombreux secteurs (BTP, automobile, électronique mais aussi jouets, vêtements ou chaussures, agro-alimentaire), reposant la question de la relocalisation et de la souveraineté industrielle. Le niveau de notre dette, conséquence du salvateur « quoi qu’il en coûte », atteint des sommets jamais vus, et la perspective du retour des critères stricts de Maastricht, suspendus pendant la crise sanitaire, pourrait casser la dynamique de la reprise, comme cela s’était passé après la crise des subprimes en 2008. Les difficultés de recrutement dans de nombreux domaines comme l’hôtellerie-restauration et la crainte de voir repartir à la hausse en 2022 les défaillances d’entreprises sont autant de gros nuages qui menacent notre économie. Et que dire de la hausse continue des prix des énergies – gaz, électricité, pétrole – ces derniers mois, qui inquiète à raison les Français.
Pour autant, le gouvernement peut se réjouir de voir les voyants passer au vert après le sombre tunnel des 19 mois d’épidémie et se féliciter que le taux de chômage, sur lequel Nicolas Sarkozy et plus encore François Hollande se sont cassé les dents, retrouve le niveau de 2008 – qui reste toutefois encore haut. À l’heure où s’esquisse le bilan du quinquennat et où les militants LREM trépignent de demander « 5 ans de plus » pour Emmanuel Macron via des milliers de tracts, ces bonnes nouvelles sont les bienvenues et il est logique que l’exécutif mette ces bons résultats économiques du moment à son crédit et les explique par les réformes entreprises depuis 2017.
Mais il doit se garder de tout triomphalisme car en matière économique, les situations peuvent vite fluctuer et, surtout, la réalité des chiffres se heurte souvent au ressenti de la population. Ainsi lorsque la majorité trompette qu’il y a eu une augmentation du revenu brut disponible global des ménages de 8 % en cinq ans – ce qui est vrai – il ne faudrait pas qu’elle oublie l’extrême hétérogénéité des situations, qui fait que tous les ménages n’ont pas vu leur pouvoir d’achat augmenter de la même façon. Certains semblent même n’avoir rien vu du tout puisque, selon un sondage OpinionWay, 56 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat a baissé depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée…
Autrement dit, si les bons résultats économiques sont nécessaires, ils ne sont pas forcément suffisants pour convaincre une opinion toujours plus sensible à l’égalité sociale qu’aux performances économiques.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 8 octobre 2021)