La confirmation hier par la compagnie aérienne australienne Qantas qu'elle annulait la commande de huit Airbus A380 marque un nouveau revers pour le superjumbo du constructeur aéronautique européen. Un gros porteur dont la pérennité est désormais suspendue, sans beaucoup d'illusions, à une négociation avec la compagnie Emirates, qui avait passé une méga-commande de 36 A380. L'histoire semble désormais jouée et l'A380 va vraisemblablement – sauf surprise venue de Chine ou d'Inde – tirer bientôt sa révérence, devenant le symbole d'un terrible et douloureux échec commercial, mais aussi devenant une page importante de l'histoire aéronautique mondiale.
L'échec, c'est finalement celui d'un avion mal-né qui a accumulé les déconvenues au moment même où le paysage aérien mondial s'est retrouvé chamboulé. L'idée de départ était pourtant séduisante : le plus gros avion commercial du monde avec ses deux ponts, ses quatre réacteurs, capable d'emporter quelque 600 passagers dans des conditions de confort inégalées entre les hubs de grandes villes alors que le trafic aérien était exponentiel. Sur le papier, au tournant du siècle, un tel projet tombait sous le sens et suscitait un vrai enthousiasme. Techniquement, économiquement, commercialement, politiquement l'A3XX devenu A380 serait l'image de l'Europe conquérante face à l'Américain Boeing. Las ! Entre le dépassement des budgets de développement, la mauvaise communication entre équipes françaises et allemandes, les retards de livraison à répétition, la détection de fissures sur les ailes de l'appareil, sans compter des dimensions XXL qui lui ont fermé les portes de certains aéroports, la vie de l'avion géant a été semée d'embûches alors même que l'aviation commerciale changeait radicalement de visage avec le développement des low cost et la préférence pour des liaisons de ville à ville. «Nous avons eu raison dix ans trop tôt», disait souvent l'ancien patron d'Airbus Fabrice Brégier pour expliquer ce qui restera comme un fiasco.
Pour autant, l'A380 n'a pas été vain. En premier lieu, la conception d'un tel avion a permis à Airbus d'acquérir et de conforter un savoir-faire technologique aujourd'hui mobilisable sur d'autres appareils comme l'avion vedette A350. Incontestablement, l'A380 a fait d'Airbus un géant aéronautique et la prouesse technologique rejaillit sur tous les compagnons du constructeur auxquels on peut rendre hommage. Enfin, cet avion dont le premier vol, le 27 avril 2005 à Toulouse-Blagnac, avait été suivi par près de 50 000 personnes, a écrit une page de l'aéronautique et fait la fierté de l'Europe comme de notre région. Son nom s'ajoute désormais à la longue liste des avions de légende qui, du Spirit of Saint-Louis de Charles Lindberg au Concorde en passant par le P38 d'Antoine de Saint-Exupéry, ont fait l'histoire de l'aviation et l'Histoire tout court.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 8 février 2019)