Accéder au contenu principal

Fracture(s) numérique(s)

illectronisme


Lorsque l'on évoque la fracture numérique, on pense immédiatement à ces territoires ruraux, voire à certains quartiers urbains, qui ne bénéficient pas de connexions à internet à haute vitesse. Réseau mobile absent ou trop faible pour capter quoi que ce soit ; ADSL au débit anémique ; fibre optique absente : autant de handicaps pour les PME, les élus et les simples Français qui se sentent citoyens d'une seconde zone où les nouveaux usages numériques, économiques, éducatifs, administratifs ou ludiques leur sont compliqués voire interdits. Cette fracture-là est grave, certes, mais elle se résorbe petit à petit grâce à l'engagement – encore trop lent pour les Français concernés – de l'Etat, des collectivités locales et des opérateurs.

Il est en revanche une autre fracture numérique, beaucoup plus discrète et pourtant capitale : la capacité de chacun à tirer parti d'internet pour profiter des services qui, jour après jour, deviennent incontournables dans une société connectée comme la nôtre.

En quelques mois, trois enquêtes viennent de mettre en lumière un phénomène que l'on appelle l'illectronisme, qui est au numérique ce que l'illettrisme est à la langue. Les Français qui en sont touchés savent parfaitement ce qu'est un ordinateur, une souris, une imprimante, un smartphone et même une box internet, et ils sont mêmes correctement équipés en matériel pour beaucoup d'entre eux. Mais ils sont mal à l'aise avec ces outils, ne maîtrisent pas suffisamment les subtilités d'interfaces souvent très peu ergonomiques, et renoncent parfois à utiliser tel ou tel service par peur de «faire planter l'ordinateur». Ces internautes-là, pleins de bonne volonté, deviennent alors des abandonnistes du numérique…

Dès lors, cet illectronisme provoque une exclusion numérique qui devient très handicapante au quotidien.

Les Français, qui dans leur ensemble sont conscients des apports positifs du numérique en termes d'accès à l'information, aux démarches administratives de plus en plus dématérialisées, aux outils permettant de rester en contact avec leurs proches, sont tout aussi conscients que le numérique renforce les inégalités. L'illectronisme affecte en effet les personnes âgées mais aussi certains jeunes, les catégories socioprofessionnelles modestes, les Français les moins diplômés et les zones rurales. Au total, l'illectronisme concernerait 19 % de la population !

À l'heure où l'Etat a décidé de muscler son administration électronique, ou les jeunes pousses françaises de la French Tech ont le vent en poupe et où le président de la République caresse l'idée de faire de la France une start-up nation, la lutte contre l'illectronisme devrait être une priorité des pouvoirs publics. Dès l'école avec les formations adéquates mais aussi hors du cadre scolaire avec le soutien des initiatives associatives ou institutionnelles déjà existantes. Car combattre l'exclusion numérique c'est aussi combattre les inégalités et l'exclusion tout court.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 4 février 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...

En marche

    Depuis douze siècles des pèlerins convergent vers Saint-Jacques-de-Compostelle qui, avec Jérusalem et Rome, est l’un des lieux des trois grands pèlerinages de la Chrétienté. Mais ceux qui marchent aujourd’hui sur les chemins de Compostelle ne le font pas seulement au nom de leur foi et n’arrivent pas forcément à la destination finale en Espagne. Les pèlerins du XXI e  siècle ne font souvent qu’une partie seulement de l’itinéraire millénaire avec des motivations bien plus diverses. Passionnés de randonnée pédestre, amoureux des paysages ou des monuments qui jalonnent le parcours désormais bien balisé et en partie classé au patrimoine mondial de l’Unesco, certains cheminent seuls, en couple ou en groupe pour accomplir une promesse personnelle, honorer un proche, rencontrer d’autres pèlerins de toutes nationalités ou tout simplement pour se retrouver soi-même. Car la marche est bonne pour le corps et l’esprit. « Les seules pensées valables viennent en marchant...