Dans moins de trois mois, lors des élections de mai prochain, l'Europe va jouer son avenir. La construction européenne, qui a fêté ses 60 ans, se poursuivra-t-elle, avec les modifications nécessaires à un meilleur fonctionnement ? Ou va-t-elle se fracasser sur l'écueil des politiques nationalistes qui ne cessent de gagner du terrain ? Pour répondre à cette épineuse question, il faut sans doute prendre un peu de hauteur, sortir de l'actualité chaude – des atermoiements des progressistes qui peinent à s'allier comme des coups de menton et des provocations régulières des populistes – et revenir aux sources de la construction européenne.
En 1952, sept ans seulement après une guerre mondiale qui ravagea l'Europe, entre en vigueur le traité de Paris, qui instaura la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), l'ancêtre de l'Union européenne. Dans « Une Europe fédérée », Jean Monnet, l'un des pères de l'Europe avec Robert Schuman, explique alors « Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des Hommes ». Là est sans doute la clé de l'idéal européen, rêvé à la fin du XIXe siècle par Victor Hugo comme des Etats-Unis d'Europe ; une expression reprise par le chancelier Adenauer. Cette union des hommes de bonne volonté, ennemis devenus partenaires, constitue le ciment de la construction européenne. Année après année, l'Union a marqué des points pour avoir trouvé, souvent au terme de rudes négociations entre ses membres, des solutions que seule une communauté d'Etats était en mesure de mettre en place. Le marché commun, la monnaie unique, des programmes scientifiques, éducatifs (Erasmus), industriels (Airbus, Ariane), la Politique agricole commune, la citoyenneté européenne, etc. : autant de réalisations qui n'ont été possibles que parce que l'union fait la force.
Certes, l'Union, qui a grandi très (trop ?) vite, n'est pas exempte de défauts, loin de là. Son fonctionnement technocratique, sa complexité bureaucratique, ses dispositifs insuffisamment démocratiques et le poids de politiques économiques libérales d'austérité, «à l'allemande», ont besoin d'une sérieuse mise à jour car ils finissent par creuser les fractures sociales, accentuer le ressentiment et nourrir les «passions tristes» que dénonce Emmanuel Macron.
Face au repli nationaliste que proposent les populistes, dont les solutions sont aussi simplistes qu'illusoires et mensongères – on le voit depuis deux ans avec le feuilleton du Brexit – il est temps de retrouver l'esprit européen porté par Jean Monnet. Le seul qui garantisse une paix durable, le développement et la prospérité en Europe.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 28 février 2019)