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Derrière l'écran



La grand-messe de la téléphonie mobile, qui s’est officiellement ouverte hier à Barcelone, permet, année après année, de mesurer le poids croissant du secteur des télécoms. En termes économiques, culturels, sociétaux, et même politiques et géostratégiques, rarement une technologie aura conquis aussi rapidement une telle place, qui va encore aller en se renforçant avec l’intégration de plus en plus forte de l’intelligence artificielle. Rares sont ceux - à part quelques personnalités visionnaires comme Steve Jobs, l’emblématique PDG d’Apple et père de l’iPhone - qui, il y a une dizaine d’années, auraient imaginé l’importance que prendraient dans nos vies les smartphones.

Après avoir progressivement remplacé tout un tas d’appareils du quotidien (de l’appareil photo à l’agenda papier, du GPS au lecteur de musique) et créé de nouveaux usages (réseaux sociaux, banque en ligne), le smartphone est devenu - pour le meilleur et le pire - notre meilleur compagnon, le boîtier qui renferme toute notre vie numérique et nous relie aux autres. Au point de provoquer de véritables addictions, ou le syndrome FOMO (Fear of missing out), la « peur de rater quelque chose » d’important comme une information ou l’un de ces événements qui déclenchent tout au long de la journée des notifications sur les mobiles…

Mais derrière le Mobile World Congress de Barcelone, ses nouveautés époustouflantes comme les smartphones à écran pliables, et ses gigantesques stands rutilants, se trouvent deux enjeux majeurs.

Le premier est la masse colossale de données comportementales personnelles qui sont recueillies par les géants du net, les fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) via les smartphones et leurs applications. Des données qui sont ensuite traitées, analysées, souvent commercialisées - parfois à l’insu des utilisateurs, on l’a vu avec les divers scandales de Facebook l’an passé. Des données qui sont aussi, de plus en plus, la cible de pirates qui ont bien compris qu’elles valaient de l’or. Face à ce défi, l’Europe a raison d’agir, que ce soit avec le Réglement général de protection des données personnelles (RGPD) des citoyens européens, mis en place en mai 2018 ; la taxation des GAFAM, qui, depuis des années, sont passés maîtres de l’optimisation fiscale pour payer le moins d’impôts possible ; ou encore avec la future directive sur les droits d’auteur qui veut tout simplement une juste rémunération des auteurs et des médias.

Le second enjeu, économique et stratégique, se cristallise autour des réseaux 5G, la future norme qui promet des débits dix fois plus importants que ceux de la 4G et qui connectera tous les appareils de la maison mais aussi les futures voitures autonomes. Alors que l’Europe a joué un rôle important dans le déploiement des précédentes normes, cette fois la Chine fait très largement la course en tête. Le géant Huawei, connu pour ses smartphones, est quasi-incontournable pour tous les équipements 5G. Au point d’inquiéter de nombreux pays, Etats-Unis en tête, qui soupçonnent des possibilités d’espionnage. Là aussi, l’Europe, qui a par le passé eut de grands champions comme Nokia, doit être capable de retrouver une ambition industrielle. Car sur ces deux enjeux, il en va de notre souveraineté numérique… ou de notre dépendance.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 26 février 2019)

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