La hausse annuelle des tarifs de péage, qui va grever un peu plus le budget des automobilistes, tombe au plus mal pour le gouvernement, qui tente de résoudre la crise des Gilets jaunes dont l'origine de la colère est, certes, liée au coût des carburants mais aussi, justement, au prix des péages. D'ailleurs, depuis le 17 novembre, les péages un peu partout en France ont été souvent pris pour cible, occupés pour des opérations «barrières levées» et pour certains incendiés comme à Narbonne.
Elisabeth Borne, la ministre des Transports – qui connaît parfaitement le dossier pour avoir été directrice des concessions chez Eiffage en 2007 – a bien tenté d'amoindrir l'impact de cette hausse annoncée en demandant aux sociétés d'autoroutes de faire un effort. Las, ces dernières n'ont consenti que la mise en place de tarifs préférentiels sur les trajets domicile-travail. Une bien maigre concession…
Car les sociétés d'autoroutes sont tout simplement dans leur bon droit, profitant à fond des clauses de contrats de concessions signés en 2006 par Dominique de Villepin puis révisés en 2015 par un gouvernement dont le ministre de l'économie était un certain Emmanuel Macron. Des contrats qui leur sont très favorables et qui leur ont permis ces dernières années de réaliser des bénéfices records, faisant des autoroutes de véritables poules aux œufs d'or pour les actionnaires de ces grands groupes. Un rapport de l'Autorité de la concurrence soulignait d'ailleurs qu'en 2013, les marges variaient de 20 à 24 % !
Et lorsque l'Etat veut tenter de réguler les tarifs, bien mal lui prend. En 2015, Ségolène Royal souhaite un gel des tarifs… mais en contrepartie, l'État a dû accepter de compenser intégralement ce gel par des hausses de tarifs additionnelles les 1er février de chaque année de 2019 à 2023… Au final, le «gel» entraînera un surcoût de 500 millions d'euros pour les usagers, selon les évaluations de l'Autorité de régulation des transports ferroviaires et routiers (Arafer).
Pas étonnant dès lors que treize ans après les privatisations beaucoup s'interrogent sur une remise à plat d'un système déséquilibré de rentes qui favorise les sociétés d'autoroutes au détriment de l'Etat, garant de l'intérêt général. Certains évoquent une renationalisation du réseau autoroutier français. Des pétitions circulent en ce sens, une proposition de loi vient d'être déposée au Sénat. D'autres plaident pour une renégociation des contrats. Le sujet, en tout cas, mobilise désormais au-delà des clivages partisans ; une trentaine de députés réclame ainsi une commission d'enquête parlementaire sur les contrats.
Alors que, sans état d'âme, l'Etat souhaite privatiser plusieurs fleurons publics comme Aéroports de Paris ou la Française des Jeux, il serait effectivement temps d'avoir ce débat sur le bien-fondé des privatisations d'autoroutes et qu'il arrive sans tarder. Pour en tirer les leçons, sans concessions…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 2 février 2019)