La décision du groupe chinois Casil Europe de mettre en vente ses parts dans l'aéroport Toulouse-Blagnac, révélée mardi par La Dépêche du Midi, constitue un nouveau rebondissement dans la saga de la privatisation de l'aéroport toulousain. Surtout, les turbulences économiques et politiques qu'elle engendre vont bien au-delà de la Ville rose et deviennent un épineux dossier national dont le gouvernement se serait sans doute bien passé.
À Toulouse, d'abord. La décision de l'actionnaire chinois – majoritaire avec 49,9 % – de se désengager du 3e aéroport français de province, plonge tous les acteurs dans l'incertitude, même si depuis l'arrivée de Casil, doutes et rumeurs courraient sur les projets réels des Chinois. En tout cas, cette décision confirme a posteriori les sévères remarques émises par la Cour des Comptes en novembre dernier sur les conditions de cette privatisation partielle, qui fut la première du genre en France. Dans leur rapport, les magistrats de la Rue Cambon soulignaient de nombreuses incohérences tant sur le profil de Casil, la gouvernance, que sur le processus de privatisation lui-même, qui prévoyait la cession des 10 % restants de l'Etat, avant que ce dernier n'y renonce sous la pression des collectivités locales actionnaires minoritaires. «L'aéroport de Toulouse reste dans une situation ambiguë et instable, celle d'une société dont le capital est majoritairement public, mais dont le contrôle appartient à l'actionnaire privé», pointait la Cour des comptes. Le départ de Casil devra permettre de sortir de cette ambiguïté.
En attendent, ce nouvel épisode toulousain pourrait avoir un impact sur les autres privatisations programmées par le gouvernement et notamment celle d'ADP (Aéroports de Paris), propriétaire et opérateur des aéroports Charles-de Gaulle, Orly et Le Bourget. Officiellement, il faudra attendre le vote définitif de la loi Pacte, au mois de février, pour démarrer le processus, mais l'Etat se prépare bel et bien à vendre sa participation de 50,6 % valorisée 9 milliards d'euros. Les candidats, dit-on, se bousculent au portillon pour acquérir un fleuron français qui est aussi une poule aux œufs d'or. Premier hub aérien européen, Paris est le passage obligé de toutes les compagnies du monde qui veulent venir en France et apporte donc à son actionnaire une rente assurée.
L'État a-t-il raison de se séparer d'ADP, qui est en bonne santé, et lui verse chaque année des dividendes non négligeables ? Le gouvernement, qui tablait sur l'exemple d'une privatisation toulousaine réussie, est désormais dans l'embarras quoi qu'il en dise et, à l'instar des remous sur la privatisation des autoroutes, risque de se retrouver accusé de vendre les bijoux de famille. La vice-présidente de la Région Occitanie, Nadia Pellefigue l'a résumé en un tweet « La puissance publique doit rester majoritaire dans ses infrastructures stratégiques. » Les Etats-Unis ont tranché la question, la quasi-totalité des aéroports sont dans le giron public. En France, la question mérite débat, peut-être même un grand débat…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 24 janvier 2019)