À soixante jours de la date officielle de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, on a l'impression chaque jour de vivre un Brexit sans fin… où les certitudes de la veille sont remises en cause dès le lendemain au gré de volte-face aussi spectaculaires qu'incompréhensibles. Après avoir subi une défaite historique et humiliante mi-janvier sur un accord de Brexit dont elle ne cessait d'expliquer qu'il était «le meilleur possible» et n'était «pas renégociable», voilà l'insubmersible Theresa May qui est parvenue à obtenir du parlement de Westminster… un nouveau vote pour renégocier le «backstop», ce fameux «filet de sécurité» devant éviter le retour d'une frontière physique entre le nord et le sud de l'Irlande. Une renégociation qui serait la condition à la signature britannique de l'accord de divorce d'avec l'Union européenne. Et la Première ministre d'assurer repartir à Bruxelles pour encore négocier des aménagements «alternatifs», dont personne ne voit en quoi ils pourraient bien consister et dont les 27 de l'Union européenne ne veulent pas entendre parler.
Car après deux ans d'intenses négociations, la lassitude pour ne pas dire l'exaspération a gagné Bruxelles. Aucun chef d'Etat ou de gouvernement – Emmanuel Macron et Angela Merkel en tête – n'entend revenir sur ce que Michel Barnier a méticuleusement négocié. Seule la forme de l'accord, c'est-à-dire la déclaration politique accompagnant l'accord de retrait, pourrait comporter quelques évolutions qui n'auraient de toute façon aucune valeur juridique.
Le vote de mardi à la Chambre des Communes illustre en tout cas, à nouveau, le labyrinthe dans lequel se débat le Royaume-Uni depuis le référendum de 2016 et la volonté des Britanniques de rejeter la responsabilité d'un «no deal» sur la seule Union européenne. Un coup de bluff qui ne trompera personne, car la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui le Royaume-Uni relève exclusivement des erreurs politiques britanniques. À commencer par celle de David Cameron. Par un calcul cynique de politique intérieure, l'ex-Premier ministre a enclenché le référendum du Brexit en étant persuadé que jamais le choix du Brexit ne l'emporterait. Première erreur. Au cours d'une campagne truffée de fake news, les promoteurs du Brexit vantaient la simplicité d'un divorce pour obtenir davantage de souveraineté, se gardant bien d'évoquer la situation inextricable qui allait être celle de l'Irlande du Nord… Deuxième erreur. Soit on rétablissait la frontière entre les deux Irlande et on ruinait l'accord de paix si difficilement conclu, soit on déplaçait la frontière en mer d'Irlande est on séparait de fait le Royaume-Uni de l'Ulster… D'où le compromis du «backstop» qui impose à la Grande Bretagne de quitter la gouvernance européenne tout en restant dans l'union douanière deux ans durant. Tout le contraire d'un gain de souveraineté.
À quatre mois des élections européennes, ce Brexit sans fin sonne comme un avertissement à tous les citoyens européens et montre combien les solutions simplistes et mensongères proposées par les formations populistes conduisent dans des impasses au détriment des peuples dont elles se réclament.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 31 janvier 2019)