Le procès du scandale de la viande de cheval qui s'ouvre aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Paris va bien au-delà d'un simple dossier d'escroquerie classique. Par son retentissement, son ampleur européenne – 13 pays concernés –, il dépasse la simple affaire audoise. Ce procès va devoir, en réalité, décrypter différents systèmes, industriels, médiatiques et politiques qui ont été au cœur d'un scandale agroalimentaire qui a marqué et choqué les Français ; et blessé aussi les professionnels de la région.
Système industriel d'abord, bien évidemment. Si quatre hommes soupçonnés d'avoir participé à cette escroquerie comparaissent à la barre, ce procès va permettre de revenir sur la façon dont les circuits de la viande fonctionnaient il y a six ans – et fonctionnent peut-être toujours encore. À la faveur des lasagnes à la viande de cheval, on a, en effet, découvert que le marché international de la viande, par certains aspects, faisait penser à celui des armes avec de multiples intermédiaires, l'intervention de «traders» opérant à Chypre, aux Pays-Bas ou en Roumanie, dans un contexte d'intense guerre des prix. L'opinion a de plus découvert l'existence du «minerai de viande», terrible expression désignant un aggloméré de bas morceaux hachés pour plats préparés, tellement éloigné de l'idée qu'on se fait de la bonne viande de qualité. Dans cet entrelacs de protagonistes aux profils parfois haut en couleur, l'affaire de la viande de cheval a montré l'opacité d'un système et le manque de contrôle qui a permis une valse des étiquettes faisant passer du cheval pour du bœuf…
Système médiatique ensuite, avec un emballement sur une fraude qui n'était pas un scandale sanitaire. Les différentes marques de surgelés affectées par le scandale, comme Findus, ont très tôt mis en place des stratégies de communication de crise pour rassurer les consommateurs et préserver leur réputation. A contrario, l'entreprise Spanghero s'est retrouvée quasi seule au cœur d'une tempête qui allait emporter des dizaines de salariés. En faisant la lumière sur le scandale, le procès devra aussi apporter une part de réhabilitation à ces salariés.
Système politique enfin. Tétanisée depuis le scandale de la vache folle, la classe politique se range désormais derrière le principe de précaution. Très vite. Trop vite ? L'agrément retiré à l'entreprise Spanghrero a-t-il été déclenché trop précipitamment, au risque de jeter la société vers une faillite certaine ? C'est l'analyse de Laurent Spanghero, qui a confié à La Dépêche son amertume (lire page 3). Les débats du procès apporteront peut-être des éléments de réponse.
Mais surtout, au-delà du jugement de la justice , la seule question qui vaille est de savoir si les leçons ont été tirées du scandale. Rien n'est moins sûr pour l'ONG Foodwatch, qui estime qu'un autre scandale du même type est toujours possible. Le procès de la viande de cheval doit dès lors envoyer un signal clair : celui du plus jamais ça.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 21 janvier 2019)