En publiant ce mardi une vaste étude sur « Les revenus et le patrimoine des ménages », portant sur les années 1998-2015, l'Insee apporte une somme de chiffres et de statistiques, d'indicateurs et d'analyses dans laquelle chacun peut trouver matière à se rassurer ou à s'inquiéter.
Se rassurer parce qu'en France, 5e économie mondiale, le taux de pauvreté (14,2 %) est l'un des plus bas d'Europe et les inégalités sont restées stables depuis la crise de 2008. Le niveau de vie médian des Français, à partir duquel la moitié d'entre eux touche plus et l'autre touche moins, a atteint 20 300 euros en 2015 (1 692 euros mensuels), légèrement moins qu'avant l'éclatement de la crise financière il y a dix ans. L'indice de Gini, un indicateur des inégalités, montre de plus que les inégalités ne se sont pas creusées depuis 2008. Elles se sont stabilisées depuis 2011. L'indice Gini de la France s'établit ainsi à 0,293 contre 0,308 en moyenne pour l'Union européenne.
Mais en ajoutant le patrimoine dans ces statistiques de revenus, c'est une autre France qui se dessine. Les inégalités de patrimoine ont ainsi augmenté entre 1998 et 2015. Depuis 1998, le patrimoine des Français a doublé, mais celui des plus pauvres a baissé de 30 % Entre les 10 % les mieux dotés en patrimoine net (534 800 euros), et les 10 % les moins bien dotés (3 000 euros), l'Insee souligne ainsi le grand écart entre les super-riches et les très modestes. Les premiers, ces 1 % de foyers qui disposent des revenus d'activités les plus élevés, de revenus du patrimoine conséquents et de revenus exceptionnels comme les plus-values immobilières, seront les grands gagnants de la loi de finances 2018, qui prévoit une baisse de la fiscalité sur le capital via une flat tax. Les seconds, quelque 8,9 millions de pauvres, voient leur sociologie évoluer : un tiers des familles monoparentales est en situation de pauvreté, un quart des agriculteurs vit sous le seuil de pauvreté et les artisans, commerçants et chefs d'entreprise ont eux aussi vu leur taux de pauvreté augmenter fortement.
Le rapport de l'Insee semble ainsi conforter l'analyse de l'économiste Thomas Piketty qui, dans son livre Le Capital au XXIe siècle paru en 2013, affirme que, sans régulation, le capital génère des inégalités de revenus et de patrimoine, que les gains de revenus du capital sont supérieurs aux revenus du travail et profitent plus aux plus riches. Le rapport de l'Insee semble aussi mettre à mal la controversée théorie du ruissellement chère à Ronald Reagan et Margaret Thatcher qui veut que les revenus des individus les plus riches se retrouvent in fine réinjectés dans l'économie.
En publiant ce rapport dont les statistiques s'arrêtent il y a deux ans, l'Insee livre une photographie précise et complexe de la France mais aussi les points clé où l'on peut agir. Alors que 55 % des Français jugent que le gouvernement n'en fait «pas assez» pour «les plus démunis» selon un sondage paru hier, gageons qu'Emmanuel Macron, souvent dépeint comme le président des riches, saura tirer des statistiques les bons enseignements pour les quatre années restantes de son quinquennat.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 7 juin 2018)
Se rassurer parce qu'en France, 5e économie mondiale, le taux de pauvreté (14,2 %) est l'un des plus bas d'Europe et les inégalités sont restées stables depuis la crise de 2008. Le niveau de vie médian des Français, à partir duquel la moitié d'entre eux touche plus et l'autre touche moins, a atteint 20 300 euros en 2015 (1 692 euros mensuels), légèrement moins qu'avant l'éclatement de la crise financière il y a dix ans. L'indice de Gini, un indicateur des inégalités, montre de plus que les inégalités ne se sont pas creusées depuis 2008. Elles se sont stabilisées depuis 2011. L'indice Gini de la France s'établit ainsi à 0,293 contre 0,308 en moyenne pour l'Union européenne.
Mais en ajoutant le patrimoine dans ces statistiques de revenus, c'est une autre France qui se dessine. Les inégalités de patrimoine ont ainsi augmenté entre 1998 et 2015. Depuis 1998, le patrimoine des Français a doublé, mais celui des plus pauvres a baissé de 30 % Entre les 10 % les mieux dotés en patrimoine net (534 800 euros), et les 10 % les moins bien dotés (3 000 euros), l'Insee souligne ainsi le grand écart entre les super-riches et les très modestes. Les premiers, ces 1 % de foyers qui disposent des revenus d'activités les plus élevés, de revenus du patrimoine conséquents et de revenus exceptionnels comme les plus-values immobilières, seront les grands gagnants de la loi de finances 2018, qui prévoit une baisse de la fiscalité sur le capital via une flat tax. Les seconds, quelque 8,9 millions de pauvres, voient leur sociologie évoluer : un tiers des familles monoparentales est en situation de pauvreté, un quart des agriculteurs vit sous le seuil de pauvreté et les artisans, commerçants et chefs d'entreprise ont eux aussi vu leur taux de pauvreté augmenter fortement.
Le rapport de l'Insee semble ainsi conforter l'analyse de l'économiste Thomas Piketty qui, dans son livre Le Capital au XXIe siècle paru en 2013, affirme que, sans régulation, le capital génère des inégalités de revenus et de patrimoine, que les gains de revenus du capital sont supérieurs aux revenus du travail et profitent plus aux plus riches. Le rapport de l'Insee semble aussi mettre à mal la controversée théorie du ruissellement chère à Ronald Reagan et Margaret Thatcher qui veut que les revenus des individus les plus riches se retrouvent in fine réinjectés dans l'économie.
En publiant ce rapport dont les statistiques s'arrêtent il y a deux ans, l'Insee livre une photographie précise et complexe de la France mais aussi les points clé où l'on peut agir. Alors que 55 % des Français jugent que le gouvernement n'en fait «pas assez» pour «les plus démunis» selon un sondage paru hier, gageons qu'Emmanuel Macron, souvent dépeint comme le président des riches, saura tirer des statistiques les bons enseignements pour les quatre années restantes de son quinquennat.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 7 juin 2018)