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"Retex" sur le Covid

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Dans le monde de l’entreprise, le « Retex » est un processus devenu très courant. Retex comme « retour d’expérience » est une démarche d’analyse rétrospective d’une situation, d’un événement ou d’un projet afin d’identifier les points forts et les points faibles, les réussites et les échecs, le tout pour en tirer des enseignements afin d’améliorer les pratiques futures et surtout éviter de reproduire les mêmes erreurs. On aurait pu penser qu’Emmanuel Macron et ses gouvernements, si sensibles au management moderne des entreprises, se seraient précipités pour faire un Retex de leur gestion de la pandémie de Covid-19. Las ! Il n’en a rien été et, aux yeux du chef de l’État, de ses conseillers et de ses anciens ministres, la France ne s’en est finalement pas si mal sortie.

Mais cette absence de Retex s’explique aussi et peut-être surtout par le déni dans lequel les acteurs du dossier se sont enferrés pour ne pas reconnaître que des erreurs ont bel et bien été commises au premier rang desquelles un mensonge aux Français sur l’état du stock de masques et leur utilité face au coronavirus ou l’organisation des élections municipales en pleine propagation du SARS-Cov-2. Que l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn et l’ex-Premier ministre Edouard Philippe aient échappé à un procès devant la Cour de justice de la République pour répondre de leur gestion de l’épidémie est une chose ; il n’en reste pas moins qu’ils ont pris des décisions contestables, dont l’historique a été minutieusement reconstitué dans le dossier d’instruction. En se plongeant dans ses centaines de pages, Gérard Davet et Fabrice Lhomme rendent d’une part hommage au colossal travail des juges mais aussi rétablissent la vérité auxquelles les Français ont droit et notamment les familles des quelque 170 000 victimes du Covid.

Espérons que leur livre « Retex » soit, en tout cas, utile à tous, car le Covid-19 – qui perdure toujours dans le monde faut-il le rappeler – n’est hélas pas la dernière épidémie que nous aurons à affronter. En juillet dernier, Yuen Kwok-yung, éminent chercheur et médecin hongkongais qui a combattu les virus les plus dangereux, avertissait qu’une nouvelle pandémie était selon lui inévitable et pourrait causer des dégâts bien plus graves que le Covid-19. Alors que les dirigeants mondiaux sont occupés par des questions « d’intérêt national ou régional », M. Yuen estime que l’évolution rapide du climat et les maladies infectieuses émergentes devraient être une priorité absolue.

Depuis 2021, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un traité international sur la prévention des pandémies est pourtant en préparation. Mais la tâche est ardue car les questions soulevées, qui doivent tenir compte justement des erreurs commises avec le Covid, sont complexes. Elles touchent à la souveraineté des États, au nécessaire partage de l’information, à la coopération logistique et scientifique, à la propriété intellectuelle des brevets et des vaccins, et bien sûr aux financements nécessaires. Concilier autant d’intérêts souvent frontalement contradictoires relève de la gageure et le traité n’est pas encore signé en dépit de nombreux progrès dans la recherche et la coopération.

De surcroît, le front mondial uni qui devrait prévaloir pour se préparer aux futures pandémies se lézarde avec les décisions irréfléchies de certains pays qui pensent faire mieux tous seuls, comme les États-Unis de Donald Trump qui s’apprêtent à quitter l’OMS. Un mauvais coup pour la santé mondiale.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 27 janvier 2025)

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