Le système assurantiel français, autrefois pilier de résilience, vacille sous les assauts du changement climatique. Entre hausse vertigineuse des primes et multiplication des catastrophes naturelles, collectivités locales et citoyens peinent de plus en plus à se protéger. Une situation critique qui nous oblige à repenser profondément notre rapport à l’assurance et à l’adaptation climatique.
Les chiffres de France Assureurs, dans leur rapport « Pour une France assurable » publié en mars dernier, sont accablants : 6 milliards d’euros par an en moyenne de sinistralité climatique sur les quatre dernières années, un montant 18 % supérieur aux prévisions établies pour 2050… et nous n’en sommes qu’en 2025. L’accélération du dérèglement climatique dépasse les scénarios les plus pessimistes, et le modèle assurantiel peine à encaisser le choc. Face à cela, les assureurs n’ont d’autre choix que d’augmenter les primes. Cette hausse, estimée entre 130 et 200 % d’ici 2050, rend l’assurance de plus en plus inaccessible. Le cercle vicieux est enclenché : les catastrophes se multiplient, les primes s’envolent, et un nombre croissant de Français et de collectivités sont exclus de la protection assurantielle.
Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (Cat-Nat), symbole de solidarité nationale depuis 1982, montre aujourd’hui ses limites. Alors qu’il offrait jusqu’à présent une couverture large et équitable, certains réassureurs se retirent d’un marché jugé trop risqué, fragilisant un système pourtant essentiel. L’État est bien conscient de l’urgence. Le troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3), suspendu temporairement avec la dissolution, a esquissé des pistes pour maintenir des offres accessibles sur tout le territoire et éviter le retrait des zones à risques. Dès 2025, par exemple, le fonds Barnier, dédié à la prévention, sera renforcé à hauteur de 300 millions d’euros. Si cette mesure est un pas dans la bonne direction, elle reste insuffisante face à l’ampleur des besoins. Un observatoire de l’assurance des risques climatiques doit également voir le jour pour améliorer la transparence et suivre les évolutions du marché. Louable, cette initiative ne suffira toutefois pas à résoudre les tensions croissantes d’un modèle conçu pour un monde plus stable.
Sécheresses à répétition, inondations spectaculaires, tempêtes dévastatrices : ces phénomènes sont devenus la nouvelle norme. Notre système, bâti pour des aléas ponctuels et prévisibles, n’est clairement plus adapté à un environnement chaotique. Il faut imaginer une réponse globale et audacieuse : renforcer la prévention, imposer des normes de construction plus strictes, inciter financièrement l’adaptation des logements et mieux informer la population.
Mais cela ne suffira pas. C’est tout notre modèle de développement qu’il faut réinventer. Urbanisme, construction, agriculture : chaque secteur doit intégrer les risques climatiques dans ses pratiques. Les innovations, comme l’intelligence artificielle, pourraient jouer un rôle clé, notamment en optimisant la modélisation des risques et en permettant une tarification plus juste. Au-delà des outils techniques, c’est un changement de paradigme qui s’impose : passer d’une logique de réparation à une logique d’anticipation et de résilience. Cela nécessite des investissements massifs dans les infrastructures, les écosystèmes et les bâtiments pour mieux absorber les chocs. Le défi est immense, mais il est vital.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 25 janvier 2025)