Accéder au contenu principal

Amers adieux

airfrance

Un anniversaire… qui vire aux adieux. Air France, qui fête cette année ses 90 ans, a annoncé hier, à la surprise générale, qu’elle allait quitter en 2026 l’aéroport d’Orly et recentrer ses vols intérieurs sur son hub de Roissy-Charles de Gaulle. En quittant ainsi le deuxième aéroport du pays, la compagnie française tourne la page d’une histoire qui avait commencé en 1952, année de son arrivée à Orly. Histoire partagée depuis par des millions de Français qui, tous, peu ou prou, pour le travail ou les loisirs, ont un jour pris un avion d’Air France pour Paris-Orly, ont parfois confondu Orly-Ouest et Orly-Sud, ont accompagné le développement de la compagnie avec le lancement des Navettes vers Toulouse, Nice, Bordeaux, Marseille puis Montpellier, ont découvert au fil des ans les nouveaux Airbus, apprécié la qualité du service à bord, puis, une fois arrivés, emprunté l’OrlyVal pour rejoindre le centre de Paris ou continuer leur voyage avec une correspondance.

Si l’annonce du départ d’Air France suscite depuis hier de nombreuses réactions, un certain émoi même, il faut les analyser à l’aune de ce lien particulier, presque affectif, qui unit depuis si longtemps les Français, l’aéroport d’Orly et la compagnie nationale. Les territoires desservis, leurs habitants et leurs élus qui se trouvent mis devant le fait accompli auraient, d’évidence, mérité plus d’égards et plus de considération.

À l’amertume face à la soudaineté de la décision s’ajoute ainsi la colère des élus qui, à l’image d’Eric Ciotti, président LR des Alpes-Maritimes, fustigent une décision « honteuse et scandaleuse » prise « sans aucune concertation ». Un « nouveau coup dur » pour Carole Delga, qui laisse le désagréable sentiment aux provinciaux d’être une nouvelle fois maltraités… Eric Ciotti a interpellé la Première ministre sur la pérennité de la liaison Nice-Orly ; la question se pose aussi pour la navette Toulouse-Orly. Dépourvue de liaison TGV avec la capitale, la Ville rose verra son lien avec Paris amoindri et compliqué : encore moins de navettes – dont le nombre avait déjà diminué depuis la crise Covid – et une arrivée au Nord de Paris dans un aéroport plus complexe, qui bouleversera les habitudes. La décision d’Air France suscite d’autant plus l’incompréhension qu’Orly avait récemment réaménagé ses halls et que la ligne 14 du métro doit y arriver dans moins d’un an…

Du côté d’Air France, le départ d’Orly semblait pourtant inéluctable. La compagnie met en avant le contexte et les chiffres du trafic. L’essor du réseau TGV, la loi Climat Résilience qui a instauré la suppression des lignes aériennes lorsqu’il existe une alternative en train de moins de deux heures et demie, ou encore les politiques RSE (responsabilité sociale et environnementale) des entreprises qui appellent à la sobriété, tout cela a évidemment changé la donne. La baisse du trafic – entre 2019 et 2023 – 40 % voire – 60 % pour les allers-retours journée – a fini de convaincre Air France-KLM de se recentrer sur son hub de Roissy pour structurer des correspondances entre ses réseaux international et français.

Air France sera certes encore présente à Orly avec sa filiale low cost Transavia. Il lui reste moins de trois ans pour convaincre que ce changement ne pénalisera ni les passagers, ni les territoires.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 19 octobre 2023)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...