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Bénéfices-risques

 

rhume

Avec l’automne qui arrive – enfin – c’est aussi le retour des rhumes avec leur cortège de nez bouchés et de maux de gorge. Pour nombre de Français, afin de surmonter ces désagréments, il suffit de prendre un médicament vasoconstricteur. C’est d’autant plus facile que ceux-ci – Actifed Rhume, Humex, RhinAdvil, etc. – sont disponibles sans ordonnance en pharmacie et leur efficacité est réelle pour un soulagement rapide. Seulement voilà, comme tout médicament, il peut y avoir des effets secondaires et ceux des vasoconstricteurs, s’ils restent évidemment rares, ne sont pas bénins puisqu’il s’agit d’infarctus du myocarde ou d’accidents vasculaires cérébraux. Ces effets secondaires-là sont connus. Déjà l’année dernière, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait appelé les Français à la vigilance. « Ce type de médicament ne doit pas être utilisé en première intention en cas de rhume », rappelait l’Agence en novembre 2022. En vain…

Un an plus tard, en effet, l’ANSM ne peut que constater que son appel n’a pas été entendu et que les (mauvaises) habitudes ont perduré. Se basant sur des données récentes issues des bases de pharmacovigilance et de la littérature médicale, elle a donc décidé de passer à l’étape supérieure à savoir déconseiller l’utilisation des vasoconstricteurs compte tenu de « la gravité de ces accidents et (de) la persistance des cas – en dépit des actions déjà mises en place. » L’agence a reçu le soutien du Collège de la médecine générale, du Conseil national professionnel d’ORL, ainsi que l’Ordre national des pharmaciens et des syndicats de pharmaciens d’officine (Union de syndicats de pharmaciens d’officine et Fédération des syndicats pharmaceutiques de France). Pour l’heure, l’agence ne peut que déconseiller et pas interdire ces médicaments ; seule l’agence européenne du médicament a ce pouvoir. Rien n’a été décidé en ce sens pour l’instant.

Cette affaire soulève en tout cas plusieurs sujets qui dépassent le seul cadre des vasoconstricteurs. D’abord l’importance, cruciale, de la réévaluation des bénéfices-risques des médicaments en fonction des connaissances scientifiques et médicales. Si le risque zéro n’existe pas, vouloir s’en approcher est important. Ensuite, cette affaire met en lumière l’automédication, renforcée par la crise Covid et par les difficultés d’accès à un médecin généraliste. De plus en plus de Français optent pour elle : une étude Ifop pour le laboratoire Biogaran, indiquait en avril dernier que 88 % des Français ont eu recours à des médicaments sans ordonnance en 2022… contre 58 % vingt ans plus tôt. On mesure dès lors l’importance de ce marché, qui représentait 2 milliards d’euros en 2022 (+11,3 % sur un an), mais qui reste toutefois inférieur à celui de nos voisins selon NèreS, l’organisation professionnelle qui représente les fabricants de médicaments sans ordonnance (6 % en France contre 12 à 20 % dans les pays voisins).

Dernier problème soulevé, notre incapacité à ne plus savoir attendre et à vouloir guérir tout de suite en prenant des médicaments – même si les Français ont évolué et ont cédé en 2020 la première place du pays européen le plus consommateur de médicaments à l’Allemagne. « Le rhume guérit spontanément en 7 à 10 jours sans traitement », rappelle l’ANSM dans son alerte. Dès lors, est-il raisonnable de risquer un AVC pour un nez bouché ?

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 24 octobre 2023)


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