Accéder au contenu principal

Reconquête spatiale

satellite

En confirmant mardi le calendrier des futures missions Artemis qui emmèneront des astronautes à remarcher sur la Lune pour la première fois depuis 1972, la Nasa nous a extirpés – au moins pour quelques instants – d’une actualité bien sombre. Entre la guerre en Ukraine et son cortège d’horreurs et de souffrances, les séismes en Turquie qui ont jeté des milliers d’habitants dans la détresse, l’inflation galopante qui n’en finit pas d’angoisser les Français, et cette réforme des retraites si mal ficelée qui met le pays en tension, l’idée de renvoyer un Homme sur la Lune – et peut-être même un Français en la personne de Thomas Pesquet – paraît presque incongrue, secondaire, accessoire.

Et pourtant, l’aventure humaine, depuis la nuit des temps, s’est toujours construite sur le dépassement, sur l’envie d’approfondir nos connaissances sur le monde comme sur nous-mêmes. Aux vicissitudes et aux difficultés du quotidien répond le besoin de savoir d’où nous venons, si nous sommes seuls dans l’univers, et si cette petite planète bleue qui est la nôtre n’aurait pas quelque part une jumelle abritant une civilisation dont on ne connaît rien. Tenter de trouver des réponses à ces questions a engagé l’humanité entière dans une course scientifique, industrielle, technologique qui n’est pas près de s’arrêter. Dans son sillage, des découvertes majeures ont été faites, des technologies nouvelles ont émergé et se sont diffusées jusque dans notre simple quotidien. La filière spatiale est sans doute l’une de celle qui impacte le plus le monde aujourd’hui : des satellites de communication à ceux d’observation ou militaires, de l’exploration de Mars à l’exploitation future des ressources de la Lune, de l’observation de l’univers à la surveillance de notre soleil et du climat. Les enjeux spatiaux, devenus vitaux, sont partout. Et parce qu’ils sont partout, ils donnent aussi lieu à une féroce compétition technologique et géopolitique.

Dans ce new space, ce nouvel espace marqué par l’arrivée de puissants acteurs privés soutenus par des milliardaires du monde de la tech, mais aussi par les ambitions de nouveaux États (Chine, Inde, Émirats…) qui veulent se mesurer aux nations spatiales historiques, la compétition est implacable. Et parce qu’elle met en jeu une part essentielle de notre souveraineté, elle nécessite des investissements pour ne pas se faire distancer et ne pas se faire effacer. Pour l’Europe comme pour la France, la question du soutien à la filière spatiale doit être une priorité. L’Europe doit préserver et développer ses savoir-faire comme son accès à l’espace, mais aussi porter sa propre vision de l’espace qui n’est pas forcément celle des États-Unis ou de la Chine. Et pour cela, il n’y a pas de secret, il faut non seulement de l’ambition, des scientifiques et des ingénieurs, mais aussi très prosaïquement de l’argent.

En novembre dernier à Paris, les ministres des États membres ont soutenu les ambitions de l’Agence spatiale européenne en lui octroyant un budget record en hausse de 17 % pour les trois prochaines années, pour atteindre 17 milliards au total. Un budget inférieur aux 24 milliards de dollars de la Nasa pour la seule année 2022, mais qui devrait relancer l’Europe sur les sujets majeurs où elle ne peut pas être absente, et notamment celle des lanceurs pour renouer avec les succès d’Ariane.

Pour réaliser les rêves de conquête spatiale, il faut s’en donner les moyens…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 11 mars 2023)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

Principes et réalité

Seize mois après les manifestations historiques des agriculteurs, nées en Occitanie à l’hiver 2024 en dehors des organisations syndicales traditionnelles, voilà la colère paysanne de retour. Ce lundi, à l’appel notamment de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, et après de nombreuses actions ponctuelles ces dernières semaines, les tracteurs seront, en effet, à nouveau dans les rues pour dire l’exaspération des agriculteurs de voir les mesures promises si lentes à se mettre en place et pour rappeler l’urgence à agir aux députés, qui examinent ce lundi à l’Assemblée nationale une proposition de loi clivante lancée par le sénateur LR Laurent Duplomb. Ambitionnant de « lever les contraintes », ce texte, plébiscité par le monde agricole mais qui ulcère les défenseurs de l’environnement et les tenants d’un autre modèle agricole, propose entre autres de faciliter le stockage de l’eau, de simplifier l’extension des élevages, de réintroduire certains pesticides dont un néonicotinoïde qu...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...