Accéder au contenu principal

Les fissures et les failles

centrale

La nouvelle fissure découverte sur un circuit de secours d’un réacteur nucléaire à l’arrêt, à Penly, est loin d’être un événement anodin. Certes l’autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui a classé l’incident au niveau 2 sur 8, s’est voulue rassurante en écartant tout danger et en demandant à EDF de « réviser sa stratégie » pour résoudre ce nouveau problème. EDF, qui est aux prises avec ces micro-fissures depuis 2021, s’exécutera et réparera les réacteurs potentiellement concernés. Si cette nouvelle « tuile » n’est pas anodine, c’est que cette fissure devient le symbole des failles industrielles et politiques qui ont affaibli ces dernières années notre système nucléaire, qui fut longtemps une fierté française et une référence dans le monde.

Notre parc nucléaire vieillit aujourd’hui à vitesse grand V et les opérations de maintenance, d’évidence, vont être de plus en plus complexes à réaliser. Surtout, la filière nucléaire doit s’adapter à un revirement à 180° qu’elle n’a pu anticiper. La guerre en Ukraine a, en effet, bouleversé notre politique énergétique : on est passé d’une sortie programmée du nucléaire à un retour en grâce de l’atome, désormais paré des vertus de fournisseur d’énergie bas carbone, à un prix intéressant et contribuant à assurer notre souveraineté énergétique.

Ce revirement – en l’occurrence salutaire compte tenu de la situation internationale loin d’être apaisée – a été acté de façon spectaculaire l’an passé par Emmanuel Macron, qui a annoncé la construction de 14 nouveaux réacteurs d’ici 2050, la prolongation du parc actuel, ou encore le financement de petits réacteurs. Le cap de ce « renouveau » a été réitéré le mois dernier lors d’un conseil de politique nucléaire qui a mis la pression sur tous les acteurs, EDF en tête, pour respecter le calendrier de premières mises en service en 2035.

L’exécutif veut aller vite pour ne pas avoir à revivre l’an prochain les angoisses de coupures de courant de l’hiver 2022. Et pour cela multiplie les initiatives législatives pour accélérer la simplification des procédures. Quitte à confondre vitesse et précipitation, on le voit avec sa volonté de fusionner l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN), vigie et expert du risque radiologique en France, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme du nucléaire, c’est-à-dire confondre experts indépendants et décisionnaires…

Le désir d’accélérer est évidemment compréhensible compte tenu des besoins à venir. De nouvelles prévisions de Réseau de transport d’électricité (RTE) dévoilées hier montrent, en effet, que d’ici 2035, les besoins d’électricité iront croissant. Décarbonation de l’industrie, production d’hydrogène, nouvelles usines (batteries, etc.), électrification massive des bâtiments et des transports conduisent RTE à faire part de son inquiétude sur la disponibilité de notre parc nucléaire essoufflé.

Mais relancer le nucléaire ne peut se faire d’un claquement de doigts et va prendre du temps, après des années de délaissement, après que les gouvernements successifs, de droite et de gauche, ont fait trop souvent primer des choix politiques et électoralistes contraires aux préconisations scientifiques des experts et aux besoins réels du pays. On paie aujourd’hui l’impéritie d’hier.

Il nous faut aujourd’hui réparer ces failles. Reste à savoir si nous pourrons être à la hauteur de nos aînés qui ont construit 58 réacteurs nucléaires en vingt ans…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 9 mars 2023)

Photo : centrale nucléaire de Penly – © EDF / Caraveo Marc

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...