Que se passera-t-il cet après-midi dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale lorsque les députés devront se prononcer sur les motions de censure déposées par les oppositions en réponse à l’article 49.3 dégainé jeudi par Elisabeth Borne pour faire adopter sans vote la très contestée réforme des retraites ? Pour l’heure personne ne le sait. Si la motion du RN a peu de chances d’aboutir, qu’en sera-t-il de celle du petit groupe charnière LIOT ? Les décomptes montrent qu’il pourrait manquer une vingtaine de voix des Républicains pour atteindre la majorité absolue ; mais la versatilité et l’incohérence que le parti de droite, au bord de l’implosion, a montrées ces dernières semaines laissent tous les scénarios possibles…
Mais au fond, qu’Elisabeth Borne soit censurée et que le gouvernement démissionne ou qu’elle obtienne un répit avant un inéluctable remaniement ministériel ne changera pas grand-chose. Pour répondre à la grave crise politique qu’Emmanuel Macron a déclenchée et qui le plonge dans l’impasse, il faudra d’autres réponses que des ajustements cosmétiques qui auraient pu marcher il y a quelques années mais qui ne correspondent plus à la situation du pays ni aux aspirations des Français à une autre pratique du pouvoir. Pour éviter que la France ne s’enfonce dans la crise il semble impératif que le chef de l’État comprenne que son second quinquennat ne peut être conduit de la même façon que le premier, ni sur la forme, ni sur le fond. Au soir de sa réélection, il l’avait d’ailleurs parfaitement formulé en admettant que ceux qui avaient voté pour lui l’avaient fait non pas pour approuver son programme électoral mais pour écarter l’extrême droite de l’Elysée. Les élections législatives, qui ne lui ont donné qu’une majorité relative, n’ont fait que confirmer cela en remettant au centre du jeu le Parlement.
En s’affranchissant de ces faits, en tentant de faire comme s’ils étaient accessoires, Emmanuel Macron s’est fourvoyé, par orgueil ou aveuglement. De la même manière il ne peut pas dire – et ses ministres avec lui – comme il l’a fait pour la réforme des retraites qu’il n’y aurait pas, dans l’intérêt supérieur du pays, d’alternatives à sa réforme ou à sa politique. Il n’y a rien de plus faux que ce très libéral Tina (there is no alternative) cher à Margaret Thatcher. Car en démocratie, il y a toujours des alternatives, d’autres chemins.
Certains sont funestes s’il s’agit de l’extrême droite RN qui, derrière le vernis de sa « normalisation » cravatée, ne propose rien et espère engranger les dividendes de la colère pour conquérir le pouvoir. D’autres chemins républicains restent possibles. Siphonnés depuis 2017 par Emmanuel Macron et perclus de contradictions face à ce Président qui applique finalement une politique qu’eux-mêmes auraient pu faire, les Républicains semblent incapables de proposer un chemin réellement différent.
Reste la gauche dans sa diversité, sa complexité, ses prises de becs et ses ego qui exaspèrent nombre de ses électeurs. Elle a, d’évidence, une immense responsabilité, celle de bâtir une alternative crédible. En disant qu’il faut que la gauche travaille à cela, Carole Delga, la présidente de la Région Occitanie, a parfaitement raison. Ce travail qui devra mobiliser les partis – tous les partis – en évitant les exclusives ou le recroquevillement sur d’improbables chapelles d’une autre époque, est d’autant plus possible qu’en Europe et ailleurs, d’autres gauches y sont arrivées.
En attendant, il reste quatre ans au quinquennat. Quatre ans pour la gauche qui doit se préparer, quatre ans aussi pour Emmanuel Macron, qui a montré par le passé une redoutable capacité de rebond pour s’extirper des pires situations. Le pourra-t-il encore cette fois ?
(Editorial publié dans La Dépêche du lundi 20 mars 2023)