Faut-il fermer les petites maternités ? Cette question, lancinante, n’est pas nouvelle et se pose particulièrement depuis longtemps dans notre région qui a été marquée par de forts mouvements de défense pour empêcher des fermetures en Aveyron, dans le Lot, etc. Elle revient toutefois de façon aiguë ce mois-ci à l’occasion d’un rapport présenté devant l’Académie de médecine et d’une interpellation de la société française de médecine périnatale (SFMP).
Le premier, rédigé notamment par le Pr Yves Ville, chef de la maternité de l’hôpital Necker à Paris et grand nom de l’obstétrique française, préconise la « planification d’une politique en matière de périnatalité en France » qui passerait par la fermeture de 111 maternités (sur 452) qui assurent moins de 1 000 accouchements par an. Le spécialiste conseille le regroupement de ces petites maternités « dont les contraintes structurelles et de ressources humaines doivent garantir à la fois la sécurité et la satisfaction des usagers tout en offrant des conditions de travail acceptables et pérennes. »
De leur côté la SFMP, plusieurs sociétés savantes et une association appellent à « repenser le système de soin périnatal », réclamant aux pouvoirs publics de mettre fin à leur « inertie ». Dans une tribune parue dans L’Obs, ils estiment que sans réforme – et notamment sans regroupement des petites structures – notre système va vers un « naufrage », appuyant leur raisonnement sur la hausse inquiétante de la mortalité infantile en France qui a fait passer notre pays de la 2e place en 2012 à la 25e dix ans plus tard…
Ce que disent ces experts et ces acteurs est médicalement fondé, c’est incontestable. Personne évidemment ne souhaite voir des femmes enceintes et leur bébé à venir mis en danger par une organisation dysfonctionnelle ou pas au niveau de la sécurité que l’on est en droit d’attendre. D’ailleurs, la fermeture de 111 petites maternités ne serait que le prolongement de ce qui se fait déjà puisqu’en 20 ans, 40 % des maternités de proximité ont fermé en France. Il y en a ainsi près de quatre fois moins que dans les années 70.
Mais l’expertise se heurte à la réalité vécue. Fermer des maternités, particulièrement en zones rurales isolées, c’est mécaniquement allonger le temps de trajet des parturientes et de leurs proches. « Le totem du temps de trajet pour aller à la maternité est un totem qui doit tomber » assure le Pr Ville. « Le risque n’est pas dans l’allongement du temps de trajet de quelques minutes voire d’une demi-heure, mais dans l’endroit où on accouche : il faut accoucher au bon endroit » expose-t-il quand d’autres estiment que proximité ne veut pas dire qualité. Mais ces considérations sont-elles audibles pour les quelque 167 000 Françaises vivant à plus de 45 minutes de voiture de la maternité la plus proche ?
Au-delà, si ce dossier – qui pose avant tout la question des moyens y compris pour les grandes structures – est si sensible dans l’opinion, c’est parce que le sort de ces petites maternités dépasse le seul cadre médical. Car leur fermeture ressentie comme une variable d’ajustement intervient souvent dans le sillage de la fermeture d’autres services publics, dans des territoires qui se sentent abandonnés voire méprisés par les pouvoirs publics. Les populations et les élus qui se mobilisent pour leur défense ne sont pas rétifs au changement ni sourds à l’évolution de la société. Ils demandent simplement du respect et de l’équité qui doivent être dus à tous dans notre république.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 27 mars 2023)