Mais pourquoi Emmanuel Macron s’est-il à ce point entêté sur la réforme des retraites ? Pourquoi se mettre à dos l’opinion, tous les syndicats – une première depuis 2010 – et les oppositions ? Pourquoi mettre à ce point le pays en tension, provoquant les manifestations les plus fournies depuis des décennies ? Tout ça pour une réforme censée éviter un déficit – hypothétique – de quelques dizaines de milliards, bien peu en regard du Budget de la Nation…
Seul Emmanuel Macron connaît la réponse exacte à cette question qui taraude désormais jusqu’à certains députés de sa propre majorité, mais il y a pourtant plusieurs éléments de réponses. L’un d’eux a été fourni par Alain Minc. « Les marchés financiers nous regardent, cette réforme est un geste important à leurs yeux », a récemment estimé l’économiste et essayiste. Avec une dette qui a explosé avec le « quoi qu’il en coûte » mis en place pendant le Covid-19 puis les chèques pour contrecarrer l’inflation notamment sur l’énergie, les marchés attendent de la France un retour à une maîtrise des comptes pour continuer à lui accorder des taux à 3 %… Mais était-ce une raison pour s’entêter sur l’âge de 64 ans alors qu’abandonner ce verrou aurait peut-être permis de récupérer la CFDT ?
L’autre raison tient évidemment à la personnalité d’Emmanuel Macron et sa pratique très solitaire et verticale du pouvoir. Piqué d’être le seul président à n’avoir pas réformé les retraites durant son mandat, il s’est lancé tête la première avec une réforme mal ficelée, aux antipodes de celle à points. Une réforme portée par des ministres qui ont fait preuve d’un amateurisme stupéfiant tant dans l’explication des mesures que dans la négociation d’un compromis avec la droite. Mais Emmanuel Macron n’a rien voulu entendre des alertes qui lui remontaient, persuadé d’avoir raison seul contre tous, persuadé aussi de pouvoir passer à autre chose comme si de rien n’était, comme si le fait du prince pouvait s’affranchir des attentes des Français en matière de pratique démocratique.
Avant de tomber en disgrâce, l’ancien ministre Gérard Collomb, premier des Marcheurs, avait identifié chez son protégé cet inquiétant manque d’humilité : « En grec, il y a un mot qui s’appelle hubris, c’est la malédiction des dieux. Quand, à un moment donné, vous devenez trop sûr de vous, vous pensez que vous allez tout emporter. Il y a une phrase qui dit que les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre, donc il ne faut pas que nous soyons dans la cécité ». Aujourd’hui, Emmanuel Macron paie cher le prix de son orgueil et de son aveuglement...
(Analyse publiée dans La Dépêche du Midi du samedi 18 mars 2023)