Accéder au contenu principal

Apaiser ou accélérer ?

macron

Emmanuel Macron, on le sait, déteste agir sous la contrainte, désireux de rester maître des horloges, celles de l’Élysée fussent-elles sur un autre fuseau horaire que celui du pays. Mais le chef de l’État ne pouvait pas ne pas prendre la parole après la motion de censure que vient d’éviter de justesse – à 9 voix près – le gouvernement Borne pour avoir fait adopter sans vote via l’article 49.3 sa réforme des retraites massivement contestée par les Français.

Le président de la République a donc choisi d’inviter à l’Elysée ce mardi les « 13 heures » de TF1 et France 2 pour s’exprimer – longuement et pour la première fois – sur cette réforme, convaincu de s’adresser par ce biais à la France des territoires où l’on déjeunerait chez soi à midi en regardant le JT… Mais peu importe cette image d’Épinal toute parisienne et le risque de ne s’adresser qu’à des retraités – peut-être est-ce le but ? – car c’est, davantage que sur la forme, sur le fond que le chef de l’État est attendu.

Quelle leçon tire-t-il de cette séquence d’où il ressort très affaibli ? Et que va-t-il dire pour l’avenir ? En préambule, il faudra d’abord que le Président sorte des éléments de langage et d’une forme de déni que pratique souvent sa majorité. Peut-on raisonnablement dire, comme Elisabeth Borne hier, que l’adoption de la réforme via 49.3 est une « victoire » ? Certes, c’est techniquement vrai, mais il s’agit sans conteste d’une victoire à la Pyrrhus dont l’exécutif doit mesurer tout ce qu’elle comporte de défiance, de ressentiment et de colère, jusqu’au sein de la majorité… « Notre pire ennemi, c’est le déni », concédait d’ailleurs le député Renaissance Gilles Le Gendre.

Ensuite Emmanuel Macron n’a que deux options pour poursuivre son quinquennat : apaiser ou accélérer. Apaiser, ce serait reconnaître le niveau historique de la crise sociale et politique et proposer à tous les acteurs de se retrouver pour travailler vraiment à la fois sur une refondation de nos pratiques démocratiques et aussi sur une vaste loi travail qui aurait dû en toute logique précéder la réforme des retraites. Cette dernière, qui sera promulguée d’ici 15 jours, pourrait parfaitement être mise en pause comme jadis le CPE en 2006. Cet apaisement dessinerait alors une sortie de crise vers le haut, une esquisse de nouvelle méthode de gouvernance – souvent promise mais jamais réalisée – avec peut-être de nouvelles têtes au gouvernement.

Ou alors le chef de l’État peut choisir d’accélérer davantage encore. Pressé d’enjamber cette embarrassante réforme des retraites, Emmanuel Macron est désireux de se projeter vers de grands chantiers sur l’école, l’hôpital ou la transition écologique. Mais comment les réaliser sans l’adhésion d’une majorité de Français ? Comment les mettre en place sans alliés à l’Assemblée ni soutien des partenaires sociaux ? Et surtout, peut-on réellement faire comme si de rien n’était, comme s’il n’y avait pas une contestation depuis deux mois qui dépasse désormais la seule réforme des retraites et touche à l’essence même de notre vie démocratique ?

En laissant fuiter hier qu’il n’y aurait de sa part ni dissolution, ni remaniement immédiat, ni référendum, on voit que la deuxième option tient davantage la corde. Elle correspond sans doute au tempérament du président… qui oublie que si seul, on va peut-être plus vite, ensemble, on va toujours plus loin.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 22 mars 2023)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Amers adieux

Un anniversaire… qui vire aux adieux. Air France, qui fête cette année ses 90 ans, a annoncé hier, à la surprise générale, qu’elle allait quitter en 2026 l’aéroport d’Orly et recentrer ses vols intérieurs sur son hub de Roissy-Charles de Gaulle. En quittant ainsi le deuxième aéroport du pays, la compagnie française tourne la page d’une histoire qui avait commencé en 1952, année de son arrivée à Orly. Histoire partagée depuis par des millions de Français qui, tous, peu ou prou, pour le travail ou les loisirs, ont un jour pris un avion d’Air France pour Paris-Orly, ont parfois confondu Orly-Ouest et Orly-Sud, ont accompagné le développement de la compagnie avec le lancement des Navettes vers Toulouse, Nice, Bordeaux, Marseille puis Montpellier, ont découvert au fil des ans les nouveaux Airbus, apprécié la qualité du service à bord, puis, une fois arrivés, emprunté l’OrlyVal pour rejoindre le centre de Paris ou continuer leur voyage avec une correspondance. Si l’annonce du départ d’Air Fr