L'affaire qui secoue aujourd'hui l'hôpital de Lavaur est, à bien des égards, symptomatique de la question de l'euthanasie en France. Sans préjuger de ce qu'établira l'enquête sur l'enchaînement exact des faits qui ont conduit hier un médecin anesthésiste tarnaise en garde à vue, elle démontre, à tout le moins, que les conditions de la fin de vie, vécue sur le terrain, au quotidien, par les patients, leurs familles et le corps médical, restent trop floues, trop imprécises.
Cette affaire montre clairement que la loi Claeys-Leonetti de 2016, issue d'un difficile consensus parlementaire, reste tout à la fois méconnue, mal appliquée et, d'évidence, insuffisante dans de plus en plus de cas. La proscription de «l'obstination déraisonnable» du corps médical et de la «prolongation artificielle de la vie» et le droit, sous conditions, à une sédation profonde n'évitent pas la souffrance de trop nombreux patients, le désarroi de trop nombreuses familles et les questions éthiques de trop nombreux médecins.
Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), qui a voulu évaluer les effets de la loi avec un groupe de travail, des enquêtes et un questionnaire, vient d'ailleurs de rendre un rapport édifiant fin novembre, qui pointe les insuffisances de la loi actuelle. La «sédation profonde et continue jusqu'au décès» (SPCJD) est ainsi d'accès plus compliqué qu'avant pour les patients. Elle interroge toujours autant les médecins qui ne savent pas quand la mettre en œuvre : trop tôt et ce serait de l'euthanasie active interdite par la loi, trop tard et ce serait des jours de calvaire pour les patients. Ubuesque.
Cette loi qui voulait sincèrement en finir avec la confusion et l'hypocrisie autour des pratiques de sédation n'a par ailleurs jamais clos un débat de société qui touche à l'intime, aux convictions personnelles, philosophiques, morales ou religieuses de chacun.
De fait depuis 2016, on a vu des collectifs de médecins s'opposer sur le sujet, des tribunaux rendre des décisions contradictoires, des associations de patient réclamer l'euthanasie active et d'autres la poursuite absolue de soins palliatifs. On a même vu le Conseil économique et social rendre un avis favorable à une aide active à mourir et le Conseil d'Etat en rejeter la perspective.
L'affaire de Lavaur, quels qu'en soient ses développements à venir, montre donc qu'il faut une nouvelle étape qui lève toutes les ambiguïtés, et, à l'image de ce qu'ont fait nos voisins belges ou suisses sans qu'on ne constate une explosion de dérives, autorise une euthanasie active que réclame une majorité de Français.
«La légalisation de l'euthanasie est un sujet intime et profond qui mérite des débats sociaux», disait Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle. Il est temps de faire preuve de courage politique pour aboutir à une nouvelle loi d'égalité, qui permette à chacun de mourir selon ses volontés. Tel est le sens de l'Histoire...
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 21 décembre 2018)