À désormais trois jours de Noël et au d ébut du dernier week-end avant le jour J, les Français font leurs comptes.
Pour les petits commerçants, ils sont aussi rouges que la tenue du père Noël. Après un mois de crise des gilets jaunes, l'impact du mouvement sur l'économie est, en effet, bien réel. La semaine dernière, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, avait chiffré la perte d'activité pour les commerces à «en moyenne – 25 %, avec des pointes à – 50, – 70, et dans certains endroits – 90 %». Les fermetures de magasins, les blocages d'accès aux centres commerciaux mais aussi les pillages lors des heurts survenus en marge des samedis de manifestation dans les grandes villes ont durement impacté l'économie. Les cinq week-ends de mobilisation ont coûté 2 milliards d'euros au secteur du commerce selon une estimation du Conseil national des centres commerciaux (CNCC). Des pertes quasiment impossibles à récupérer d'ici Noël, même si les jours qui viennent peuvent connaître une embellie.
Du côté des consommateurs aussi on fait les comptes. Selon notre Observatoire du quotidien des Français BVA-La Dépêche de décembre, consacré aux cadeaux de Noël, près de 4 Français sur 10 ont prévu de dépenser moins que l'année dernière pour faire leurs cadeaux (39 %), notamment les personnes ayant un revenu inférieur à 2 500 € (49 %)… Avec cette année un budget de 367 €, l'enveloppe de Noël est en baisse d'environ 85 € par rapport à 2017 et surtout atteint son niveau le plus bas depuis 2015. Preuve s'il en fallait une des difficultés de pouvoir d'achat des Français.
Pour l'heure, seul le secteur du e-commerce semble s'en tirer un peu mieux, bénéficiant du report des consommateurs qui, restant bloqués chez eux, font leurs emplettes sur internet et plus particulièrement sur Amazon. Mais pas de triomphalisme : «Les ventes sont en ligne avec les prévisions, ni plus ni moins, il n'y a pas eu du tout d'explosion des ventes sur internet», selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad).
Alors, côté vendeur ou acheteur, Noël s'annonce plus que morose. Les Français ont la tête ailleurs, perturbés par leur pouvoir d'achat en berne, une situation économique tendue voire la menace terroriste qui a frappé Strasbourg justement au cœur d'un marché de Noël. Mais sous les cendres de cette morosité rougeoie toujours une lueur d'espoir, qu'on l'appelle esprit de Noël ou envie d'être ensemble au-delà des difficultés. Depuis quelques heures sur les réseaux sociaux, une vidéo de Gilets jaunes dansant sur la chanson d'Édith Piaf Emporté par la foule à la lumière de braseros d'un rond-point de Savoie montre que derrière la colère et les batailles, il suffit d'une étincelle pour retrouver cet esprit-là qui nous laisse «épanouis, enivrés et heureux…»
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 22 décembre 2018)