On ne sait s'il faut rire ou pleurer de la volte-face de Vinci, qui réclamait la facture aux automobilistes ayant franchi sans payer ses péages lors d'opérations « barrière levée » des gilets jaunes ces dernières semaines. Une décision visiblement prise en excès de vitesse ou en excès de confiance car elle s'est retournée contre le concessionnaire qui se retrouve fâché avec le gouvernement et les automobilistes.
Emmanuel Macron et Édouard Philippe qui tentent d'éteindre l'incendie social allumé par les Gilets jaunes n'ont guère dû apprécier de voir Vinci venir brouiller leur message d'apaisement envers tous ces Français obligés de prendre la route et l'autoroute pour aller travailler et qui s'acquittent du prix de péages qui ont augmenté bien plus que l'inflation ces dernières années.
Vinci Autoroutes, surtout, n'est pas la PME en manque de trésorerie victime de dégradations, et dont l'avenir était suspendu au paiement de quelques factures. Avec plus de 50 milliards d'euros de capitalisation, 40 de chiffre d'affaires et près de 200 000 employés dans 116 pays, Vinci est une multinationale solide dont la filiale Vinci Autoroutes a réalisé rien moins que 5,277 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2017 et vu son bénéfice augmenter de 28,5 %.
Surtout, sa décision de réclamer l'argent des « opérations péages gratuits » est intervenue alors que le 1er février prochain, les sociétés d'autoroutes vont augmenter significativement leurs tarifs. D'une part pour financer un controversé plan d'investissement de 700 millions d'euros, et d'autre part pour rattraper le gel des tarifs décidé en 2015… et qui a déjà coûté un demi-milliard d'euros aux usagers.
Dans cette affaire, Vinci était certes dans les clous de la loi, mais sa rigidité concernant des opérations «péages gratuits» qu'elle a pourtant déjà connues par le passé, a illustré un évident manque de discernement. Son empressement très maladroit à recouvrer ses factures s'est retourné contre elle avec un puissant effet boomerang : la réactivation du débat sur les contrats de concessions très avantageux signés lors de la privatisation des autoroutes en 2005… Autrement dit en voulant tordre le bras aux automobilistes, Vinci va se retrouver au cœur d'un nouveau bras de fer sur les tarifs autoroutiers.
(Commentaire publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 19 décembre 2018)