Chevalement du puits Castan. Photo Raoul Rives |
Frappés par des inondations historiques mi-octobre, les habitants de l'Aude subissent aujourd'hui une double peine.
Double peine, car après avoir tout perdu dans les flots en furie, après avoir vu leurs maisons, leurs entreprises, leurs villages, leurs paysages et finalement leur vie, ravagés par des pluies diluviennes, certains des habitants de l'Aude se retrouvent aujourd'hui confrontés à une pollution majeure des cours d'eau. C'est le cas des riverains de l'ancienne mine d'or de Salsigne.
Certes, la pollution laissée après un siècle d'exploitation intense par des résidus aujourd'hui enfouis dans des collines artificielles n'est pas nouvelle. Depuis l'arrêt en 2004 de l'exploitation de la mine de Salsigne – qui fut la principale mine d'or de France et la première mine d'arsenic du monde – des signaux d'alarme ont été maintes fois tirés, y compris par notre journal, quant aux conséquences sanitaires sur les populations. Mais après les inondations d'il y a deux mois, une nouvelle exigence s'impose à tous. Pour en finir avec ce qui est bel et bien un scandale sanitaire il convient de mener un triple combat, pour l'information, la santé et l'environnement.
Combat pour l'information en premier lieu. Depuis l'arrêt de l'exploitation de la mine, le moins que l'on puisse dire est que l'Etat aurait pu faire preuve de davantage de transparence. Chaque année depuis 1997, le préfet de l'Aude reconduit le même arrêté invitant la population à ne pas consommer certains légumes, ni utiliser les eaux pluviales ou celles des rivières pour arroser son jardin. Mais lorsqu'il s'agit de comprendre ce qui justifie l'arrêté, les détails manquent. Les pouvoirs publics parlent de risques négligeables pour des produits dont l'extrême toxicité et le caractère cancérogène potentiels sont pourtant réels, et opposent parfois un refus net aux riverains lorsque ceux-ci demandent la communication de documents administratifs. Ce combat pour l'information, auquel nous prenons part aujourd'hui en publiant le résultat de nos propres prélèvements, doit être mené. Les riverains ont le droit de savoir.
Combat ensuite pour la santé. En janvier 2006, notre journal révélait les conséquences de la pollution : les scientifiques constataient alors plus de 11 % de mortalité par cancer, tous types de cancers confondus. 10 000 personnes, écrivions-nous, étaient concernées dans un rayon de 15 kilomètres autour de Salsigne. Ce combat-là est évidemment celui de l'indemnisation des victimes et d'un suivi sanitaire qui doit être irréprochable. Sur ces deux points, il reste beaucoup à faire.
Enfin, le troisième combat est celui pour l'environnement. Alors qu'un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), classé confidentiel jusqu'en 2039, confirmait fin janvier que le pech de Montredon, où sont stockés les déchets miniers, ne présente pas les garanties d'étanchéité prévues, et que l'on estime que sept tonnes d'arsenic sont rejetées chaque année dans l'Orbiel, il est urgent de sécuriser le site, pollué pour plusieurs centaines d'années, mais aussi de tirer les leçons de Salsigne pour la préservation de l'environnement. Il est un principe qui aurait dû être appliqué : celui du pollueur-payeur. Les habitants de l'Aude ne sont clairement ni l'un ni l'autre…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 6 décembre 2018)