La série télévisée américaine « Cold cases », qui met en scène une équipe de policiers spécialisés dans les affaires classées non résolues, a contribué à sensibiliser le grand public à cette problématique. Mais la réalité dépasse souvent la fiction. Car, aux États-Unis comme en France, ils sont des centaines à attendre, depuis des années, parfois des décennies, que la vérité éclate sur le sort de leur enfant, de leur frère ou sœur, de leurs proches, victimes de crimes non élucidés. Ces familles, parfois oubliées, ont un impérieux besoin de savoir, de comprendre pour pouvoir, peut-être, espérer faire leur deuil. Et elles comptent sur la justice pour que, justement, justice soit rendue.
Leur détresse et la nécessité de retrouver les coupables de crime ont conduit la justice française à se doter d’un dispositif spécial, lancé après l’adoption de la loi pour la confiance dans la justice promulguée en décembre 2021. Depuis bientôt deux ans, un pôle judiciaire dédié aux affaires criminelles non résolues est ainsi en place au tribunal judiciaire de Nanterre. Ce pôle « cold cases », unique en France, est chargé d’instruire les dossiers les plus complexes, impliquant des crimes en série, des disparitions inquiétantes, des meurtres sans cadavre ; autant de dossiers non élucidés après 18 mois d’investigations infructueuses et parfois vieux de plus de 20 ans. Ce pôle dispose de moyens humains – trois magistrats, trois greffiers, un vice-procureur dédiés – et techniques renforcés, notamment grâce à la collaboration avec la Division des Affaires Non Élucidées (Diane), créée au sein du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, à la suite de l’affaire Nordahl Lelandais.
Le bilan du pôle « cold cases », qui a lentement démarré, se heurtant aux insuffisances et au manque de savoir-faire du système judiciaire français – est encourageant. Il a été saisi de 77 procédures et a étudié 222 dossiers la première année. Au 9 novembre 2023, le pôle était saisi de 99 procédures. Plusieurs affaires ont déjà été résolues, grâce à des recoupements, des témoignages, des analyses ADN et le récent procès de Monique Olivier, devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine, est le premier qui a découlé du minutieux travail du pôle judiciaire de Nanterre.
Ces succès constituent une lueur d’espoir pour les autres familles, qui n’ont pas renoncé à obtenir des réponses. Elles sont aussi le signe que la justice ne baisse pas les bras, qu’elle continue de chercher la vérité, même quand les pistes semblent épuisées, même quand le temps a effacé les traces.
Le dispositif mis en place peut encore monter en puissance, en augmentant le nombre de magistrats et d’enquêteurs affectés à ces dossiers, en développant les échanges avec les autres juridictions, en renforçant la coopération internationale. Il faut aussi favoriser la participation citoyenne, en incitant les témoins potentiels à se manifester, en créant des plateformes numériques dédiées, en organisant des journées d’information et de sensibilisation. Car le temps reste l’allié des criminels qui sont derrière les cold cases pour échapper à la justice.
(Editorial publié dans La Dépêche du Dimanche du 27 janvier 2024)