Nordahl Lelandais, condamné à la perpétuité pour le meurtre de la petite Maëlys et à 20 ans de prison pour celui du caporal Arthur Noyer, est devenu père en prison il y a deux mois. L’annonce de cette nouvelle a suscité un choc dans l’opinion et, naturellement, dans les familles des victimes où l’émotion le dispute à la colère. Jennifer de Araujo, la mère de Maëlys, a ainsi fait part de son « écœurement », regrettant que « la castration chimique ne soit pas utilisée en France », tandis que Joachim de Araujo, le père de la fillette, a dit sa légitime incompréhension. « Autoriser un assassin, un tueur d’enfant, un pédophile à donner la vie dans une prison, j’étais loin d’imaginer ça. Je ne comprends pas », a-t-il réagi, bouleversé et s’interrogeant sur l’avenir du petit garçon mis au monde avec « un père qui est en prison, une maman qui n’est sûrement pas très équilibrée ».
Derrière cette situation qui choque, un phénomène et une réalité. Le phénomène, qui n’est pas nouveau, est celui de l’hybristophilie, l’attirance morbide pour les criminels. Ce phénomène, aussi connu sous le nom de « syndrome de Bonnie et Clyde », touche principalement des femmes, qui cherchent à entrer en relation avec des criminels dangereux, violeurs ou meurtriers, souvent en leur écrivant des lettres enflammées et en allant jusqu’à les épouser parfois. Le tueur en série Landru croulait ainsi sous les propositions de mariage avant son procès et a reçu 400 lettres en quatre ans en prison. Certaines de ces femmes sont persuadées de l’innocence de ces criminels qui les fascinent, d’autres fantasment sur la possibilité de les sauver ou de les changer.
Mais il y a aussi la réalité. Celle des unités de vie familiale (UVF), situées dans l’enceinte de la prison, où les relations intimes sont permises. Créés en 2003, ces UVF sont de petits appartements meublés où les détenus peuvent recevoir leurs proches pendant 6 à 72 heures, sans surveillance directe du personnel pénitentiaire. Souvent critiquées par l’opinion publique, qui y voit une forme de privilège accordé aux détenus, ces UVF, qui n’équipent que certains établissements, sont pourtant légitimes car les détenus ont été condamnés à la privation de liberté, pas à la suppression de leurs autres droits fondamentaux, notamment celui d’avoir une vie privée et familiale, reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme. Les UVF permettent de maintenir un lien entre les détenus et leurs familles et amis et, au final, participent bien de la prévention de la récidive en facilitant leur future réinsertion sociale.
Aussi choquante soit-elle, la paternité de Lelandais, qui emporte sans doute sa part de détestable provocation, ne saurait remettre en cause un dispositif qui reste conforme à l’État de droit. En revanche, elle doit inciter les pouvoirs publics à davantage soutenir et accompagner les familles des victimes dont la souffrance est toujours ravivée lorsque les condamnés franchissent les étapes de leur détention jusqu’à leur éventuelle remise en liberté.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 20 janvier 2024)