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Martingale

macron

La photo, prise lundi 8 mai, est saisissante. Sur une place de l’Étoile déserte, un écran géant projette le visage fermé d’Emmanuel Macron. Seul. Aucun Français n’est présent pour participer aux cérémonies commémorant la Victoire de 1945, du jamais vu. La distance presque glaçante que montre cette photo, prise par Denis Allard, entre le chef de l’État et la population, illustre toute la solitude dans laquelle se trouve le président de la République depuis qu’il a fait adopter sans vote une réforme des retraites massivement rejetée par les Français.

Sans alliés politiques au Parlement où il est minoritaire depuis juin 2022, et parfois avec des alliés remuants comme peuvent l’être ceux du MoDem et d’Horizons, sans partenaire syndical puisque tous se sont unis contre la réforme des retraites, sans soutien populaire, sa cote de popularité étant au plus bas, sans même la satisfaction de voir les milieux économiques saluer son inflexibilité, l’agence Fitch ayant dégradé la note de la France, s’inquiétant du blocage politique et du climat social en France, Emmanuel Macron est plus isolé que jamais et seule sa majorité croit encore que le Président reste audible des Français, alors que ses déplacements sur le terrain tiennent davantage de visites de villages Potemkine où les casserolades sont tenues à bonne distance…

Comment sortir de ce bourbier dans lequel il s’est enlisé tout seul, et dans lequel il a précipité le pays ? Comment retrouver l’allant qui l’avait porté à l’Elysée en 2017 ? Emmanuel Macron assure qu’il veut avancer et s’est donné cent jours, jusqu’au 14 juillet, pour tourner la page des retraites – ce qui est encore loin d’être acquis avec la journée de mobilisation de l’intersyndicale le 6 juin et l’examen de la proposition de loi Liot d’abrogation de ce texte deux jours plus tard. Elisabeth Borne a été chargée de piloter une feuille de route pour répondre aux préoccupations du quotidien, mais celle-ci est tellement touffue et pléthorique, mélangeant grands projets et mesures de niveau préfectoral, que rien n’a finalement imprimé dans l’opinion.

Alors Emmanuel Macron fait ce qu’il sait faire le mieux : s’emparer lui-même des sujets, quitte à griller la politesse à ses ministres, et les porter tous, sachant pertinemment que, dans notre monarchie républicaine, c’est bien à lui et à lui seul de renouer le fil avec les Français. La réindustrialisation sera-t-elle la martingale du Président ? En tout cas, en s’investissant sur ce thème pendant plusieurs jours, Emmanuel Macron joue sur du velours, fort d’avoir enrayé la chute des emplois industriels depuis 2017, d’en avoir créé 90 000, d’avoir su attirer des investisseurs étrangers et de nouvelles usines. La dynamique est incontestable et à l’heure où les questions de souveraineté sont devenues cruciales, exacerbées par la crise Covid et la guerre en Ukraine, la réindustrialisation est un thème porteur. D’autant plus que la désindustrialisation a saigné – et saigne encore parfois – de nombreuses préfectures et des territoires qui se sentent abandonnés.

La réindustrialisation est donc nécessaire, mais sera-t-elle suffisante pour donner le souffle et la vision qui manquent à ce second quinquennat ? S’il veut avancer seul pour aller vite, comme à son habitude, Emmanuel Macron doit aussi comprendre qu’il faut avancer ensemble pour aller plus loin. Retrouver le sens du collectif, avec les partenaires sociaux, les élus locaux, et les Français est indispensable. Quatre ans ne seront pas de trop pour tenter d’y parvenir...

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 11 mai 2023)

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