Avec un prix de gros du gaz naturel en Europe qui est tombé à son plus bas niveau en deux ans, la crise du gaz déclenchée par la guerre en Ukraine est-elle derrière nous ? Ou ne s’agit-il que d’une parenthèse avant un nouveau rebond, un scénario du pire comme vient de l’esquisser pour l’Europe – non sans arrière-pensées pour ses sociétés pétrolières et gazières – le ministre de l’Énergie du Qatar, qui nous a prédit des pénuries de pétrole et de gaz ? Pour l’heure, bien malin qui pourrait assurer quel sera l’avenir d’un marché du gaz plus volatil que jamais.
La crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine et à la volonté des Européens de se passer du gaz russe a d’ores et déjà bouleversé le marché de l’énergie. Et comme lors de la crise Covid lorsqu’il s’est agi d’obtenir les vaccins contre le coronavirus, on ne peut que se réjouir de la capacité de l’Union européenne à trouver des solutions communes et solidaires pour les 27. La diversification des approvisionnements en gaz et la reconstitution des stocks avant l’hiver prochain sont de bonnes nouvelles. Le fait que vingt-cinq fournisseurs aient répondu à l’appel d’offres international lancé par l’Union européenne pour des achats groupés de gaz aux meilleurs prix pour reconstituer les stocks avant l’hiver 2023-2024 est de bon augure.
Mais pour les consommateurs, ces stratégies de long terme, si précieuses et bien menées soient-elles, sont lointaines. Pour l’heure, ils attendent que les baisses des prix du gaz sur les marchés se répercutent le plus rapidement possible sur leur facture, qui a connu une inflation substantielle, heureusement rabotée grâce au bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement. Mais l’arrêt de celui-ci à la fin de l’année et la fin du tarif réglementé de vente du gaz le 1er juillet ne laissent pas d’inquiéter les Français.
En lieu et place du tarif réglementé par les pouvoirs publics, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) propose un prix repère calculé peu ou prou de la même façon et qu’elle présente comme un outil « boussole » pour que les consommateurs puissent faire un choix éclairé entre tous les fournisseurs. Mais l’association de défense des consommateurs UFC Que Choisir estime que ce prix repère « n’est pas protecteur pour les consommateurs puisqu’il ne sera imposé à aucun fournisseur de gaz, qu’il n’existe pas pour les offres à prix fixe et qu’en l’état actuel, il an’est prévu que sur un an. »
Ce prix repère semble en tout cas bien insuffisant pour s’orienter dans la jungle des tarifs entre des fournisseurs qui font tout pour recruter de nouveaux clients, avec parfois des communications agressives qui ont jadis donné lieu à de détestables dérives. Ce prix repère pourrait même créer des disparités entre ceux qui comprennent le nouveau système et les Français les plus fragiles ou ceux qui peinent à s’approprier le nouvel indicateur pour trouver une offre compétitive correspondant à leurs besoins.
Sur l’énergie, comme sur l’éducation ou la santé, on voit bien que c’est l’État, garant de l’intérêt général, qui doit s’assurer que tous les Français soient également traités et soient bien accompagnés pour choisir leur fournisseur de gaz au juste prix.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 29 mai 2023)