Le développement du numérique et de la dématérialisation dans notre société a fait évoluer notre façon de travailler, de consommer, de se divertir, de se former ou de se cultiver, et personne ne voudrait – ni ne pourrait – se passer de cette ouverture sur le monde. Mais le numérique a aussi fait évoluer les mauvaises pratiques commerciales et la cyberdélinquance. Très rares aujourd’hui sont ceux d’entre nous qui n’ont jamais été contactés au téléphone par des démarchages particulièrement insistants qui confinent parfois au harcèlement ; qui n’ont jamais reçu des courriels par dizaines – les fameux spams – de la part de sociétés ayant racheté des bases de données ; ou qui n’ont pas été victimes de tentatives d’escroquerie par des cyberpirates imitant de plus en plus fidèlement les messages d’une banque ou d’un opérateur téléphonique dans le but de voler identifiants ou coordonnées bancaires.
Ces fléaux modernes, qui semblent ne jamais devoir cesser de grossir, sont comme le revers de nos vies numérisées. Et la pandémie de Covid-19, en augmentant le recours aux démarches à distance, a contribué aussi à multiplier le nombre des arnaques, tant pour les entreprises victimes de rançongiciels, que pour les particuliers. Chez ces derniers, les victimes se comptent particulièrement chez les plus jeunes, les 14-29 ans, ces digital natives qui ne s’éloignent jamais de leur smartphone, mais aussi chez les plus de 75 ans qui, moins agiles avec le numérique, constituent des cibles de choix.
Il n’y a pourtant pas de fatalité. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) fait un travail remarquable pour sensibiliser aux cyber-risques les entreprises et les collectivités. L’État a augmenté les moyens des forces de l’ordre pour lutter contre une cyberdélinquance qui sait s’adapter très vite aux nouveaux usages et parvient à contourner les garde-fous législatifs et réglementaires. Sans doute faudra-t-il régulièrement mettre à jour ce cadre.
Enfin, si l’on ne peut pas empêcher les cyberpirates de tenter de nous escroquer, on peut apprendre à déjouer leurs pièges, détecter leur mode opératoire derrière un courriel anodin ou une offre trop belle pour être vraie. Cet apprentissage participe d’une culture numérique que tous les Français n’ont pas encore acquise.
Une culture faite de la connaissance des bons gestes et réflexes à avoir et d’une compréhension du fonctionnement d’internet. Si cela doit être appris dès l’école, il faut aussi former les adultes. Alors que 13 millions de Français sont aujourd’hui éloignés du numérique, l’Etat et les collectivités territoriales ont mis en œuvre depuis deux ans une stratégie nationale pour lutter contre cet illectronisme, notamment avec le recrutement de 4 000 « conseillers numériques » qui vont accompagner les Français pour qu’ils s’approprient pleinement les outils numériques. Ne laisser personne de côté ou seul face au numérique est bien le meilleur moyen de lutter contre toutes les arnaques.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 28 janvier 2022)