Accéder au contenu principal

Urgence

 

senior

Ce n’est pas la première fois que des livres viennent témoigner de la maltraitance qui peut sévir contre les personnes âgées dépendantes dans les maisons de retraite. On se souvient de « Maman, est-ce que ta chambre te plaît ? » (Ed. Privé), de William Réjault et notre consœur Christelle Bertrand, paru en 2009, ou plus récemment de « Tu verras maman, tu seras bien » (Ed. XO) de Jean Arcelin, ancien directeur d’un Ehpad dans le sud de la France. Qu’ils soient rédigés par des familles de résidents, d’anciens employés ou d’ex-directeurs d’établissement, qu’ils soient relayés ou complétés par de solides enquêtes de presse, ces récits glaçants suscitent toujours autant l’indignation de l’opinion… avant que celle-ci ne retombe, emportée par l’actualité.

Le livre de Victor Castanet, « Les fossoyeurs : révélations sur le système qui maltraite nos aînés » (Ed. Fayard) pourrait pourtant constituer un tournant, le « J’accuse » d’un système dont on mesure toute l’urgence à le réformer. Car au-delà des témoignages accablants recueillis auprès de quelque 250 interlocuteurs – familles, salariés, ex-dirigeants – le livre met au jour avec force documents les ressorts d’un système, celui d’Orpéa, le numéro un mondial du secteur, tout entier tourné, selon l’auteur, vers la rentabilité plutôt que vers le bien-être de ses résidents. L’enquête met aussi en lumière les appuis, politiques et administratifs, dont le groupe privé aurait bénéficié pour se développer.

Les agissements d’Orpéa, s’ils sont avérés, ne doivent toutefois pas faire oublier que tous les Ehpad – dont seuls 24 % sont commerciaux – ne sont pas dysfonctionnels. Des structures, publiques et associatives notamment, remplissent leur mission auprès des aînés avec professionnalisme et bienveillance, et leurs personnels – on l’a vu lors de la pandémie de Covid-19 – sont dévoués au bien-être des résidents.

Reste que ces scandales à répétition, depuis des années, inquiètent et entament la confiance de l’opinion. Le hasard aura voulu qu’avant la sortie du livre soit publié un baromètre sur le vieillissement commandé justement par Orpéa. Pour 59 % des Français, « bien vieillir », c’est avant tout rester autonome et c’est pouvoir rester à son domicile le plus longtemps possible : 55 %, un taux bien plus fort que chez nos voisins européens.

Le baromètre montre aussi que 45 % des Français jugent que notre société ne permet pas aux personnes âgées de bien vieillir. Pour 95 % d’entre eux, il est important, voire prioritaire, que les pouvoirs publics anticipent bien le vieillissement de la population française.

Face à ce constat, à ces attentes fortes mais aussi aux projections démographiques – 3,7 millions de Français seront en perte d’autonomie en 2030, 4,8 millions en 2050, soit presque un doublement en 35 ans, et 108 000 seniors de plus seraient attendus en Ehpad d’ici à 2030 – la question du grand âge, de l’autonomie à la fin de vie, doit être l’un des sujets de la prochaine présidentielle. Il y a urgence.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 26 janvier 2022)

Posts les plus consultés de ce blog

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...