"Les vaccins contre le Covid-19 ont été développés trop vite, on ne peut pas leur faire confiance", "on n’a pas assez de recul", "des personnes vaccinées sont contaminées et hospitalisées, donc le vaccin n’est pas efficace", "les effets secondaires sont trop importants", "les vaccins à ARN messager modifient notre code génétique, ils peuvent provoquer des cancers" : autant d’arguments qui ne s’appuient sur aucune base scientifique ou simplement sur des faits vérifiés, que l’on entend depuis des mois de la part des antivax, les personnes opposées à la vaccination anti-Covid voire à toute forme de vaccination, et que l’on a encore pu lire sur des pancartes ou entendre dans les cortèges des manifestations samedi.
Des arguments répercutés sur les réseaux sociaux que le gouvernement et la communauté scientifique ont bien du mal à contrecarrer. "Nous sommes une grande Nation. Une Nation de Science, celle des Lumières, de Louis Pasteur. Alors quand la science nous offre les moyens de nous protéger, nous devons les utiliser avec confiance dans la raison et dans le progrès", déclarait Emmanuel Macron le 12 juillet dernier en annonçant la vaccination obligatoire pour les soignants et l’extension du pass sanitaire. Mais si l’allocution présidentielle s’est traduite par une forte hausse de prises de rendez-vous vaccinaux, elle ne semble avoir eu aucun effet sur les antivax. Idem pour les nombreuses études scientifiques qui, depuis l’autorisation des vaccins, détaillent, chiffres à l’appui, le caractère minime des effets indésirables par rapport à l’immense bénéfice que constituent les vaccins, y compris ceux à ARN, une technologie sur laquelle les chercheurs travaillent depuis plus de 15 ans.
Cette défiance par rapport à la parole politique et scientifique peut s’expliquer par l’affaire des masques au début de l’épidémie ou par les récents scandales sanitaires – Lévothyrox, Mediator – qui ont gravement entaché le lien de confiance entre ces institutions et la population. Raison de plus pour engager aujourd’hui la bataille de l’opinion, non pas pour convaincre les anti-vaccins les plus radicaux – c’est illusoire – mais pour ramener aux faits vérifiés des Français qui, légitimement, en toute bonne foi, ont des doutes sur les vaccins anti-Covid. Ces Français sceptiques méritent d’être considérés plutôt que conspués et doivent disposer d’informations fiables, vérifiés et accessibles.
Il est plus que temps – et le gouvernement semble en avoir mesuré l’importance – d’engager un combat contre tous les charlatans, les pseudo-experts toutologues, les complotistes et ceux qui exploitent les peurs à des fins politiciennes, qui ont eu et ont encore micro ouvert sur certaines chaînes d’information en continu, ou qui profitent de la complaisance des réseaux sociaux qui ont laissé émerger et laissent encore perdurer des torrents de fake news. Le phénomène n’est d’ailleurs pas propre à la France ; récemment, le président américain Joe Biden a accusé Facebook de "tuer des gens" en laissant se propager de la désinformation sur le vaccin et l’épidémie.
Que des questions sur les vaccins se posent, que l’on débatte sur le dispositif du pass sanitaire, sur l’étendue des restrictions et contraintes est légitime et même indispensable en démocratie. Mais ce débat ne peut se faire que sur une base admise par tous, le socle commun de la vérité des faits.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 26 juillet 2021)