Lors de la dernière campagne présidentielle, la feuille de paie a été l'un des marqueurs des différents impétrants à l'Élysée. Dès la primaire de la gauche, l'ancien ministre de l'Économie Arnaud Montebourg assure être « le candidat de la feuille de paie ». La formule est reprise ensuite par l'ex-Premier ministre Manuel Valls puis par Benoît Hamon une fois ce dernier investi candidat du PS. À droite, en dépit de son programme ultralibéral, le candidat des Républicains François Fillon fait dire à son bras droit que, naturellement, lui aussi est le candidat de la feuille de paie. Enfin Emmanuel Macron, candidat En Marche « et de droite et de gauche » se rallie à la formule et, depuis Rungis, martèle que « si on veut être le candidat du travail, il faut aussi être le candidat de la fiche de paie ». CQFD.
Élu président, Emmanuel Macron met donc en application sa promesse de campagne. Le jeune Président supprime la cotisation salariale pour la Sécurité sociale, et celle pour l'assurance-chômage (en deux temps) qui seront compensées dans les caisses de l'État par une hausse immédiate de 1,7 % de la CSG.
Au final, la feuille de paie de quelque 23 millions de salariés a effectivement connu en cette fin de mois de janvier une hausse, modeste mais concrète. Un gain de pouvoir d'achat que nous rappellent ces jours-ci à longueur d'interviews les membres du gouvernement, à l'heure où l'exécutif doit affronter ses premières crises sociales (prisons, agriculture, etc.).
Mais ce mini-plus, ce « coup de pouce » au pouvoir d'achat laisse sur le bord du chemin bien du monde. Les 5,6 millions de fonctionnaires, d'abord, ne verront aucune différence entre leur traitement de décembre 2017 et celui de janvier 2018. Pour eux, la hausse de la CSG sera compensée par une « indemnité compensatrice », une prime qui devrait être gelée. En revanche, les retraités vont essuyer de plein fouet la hausse de 1,7 % de la CSG. L'exécutif estime qu'il s'agit là de retraités aisés qui doivent eux aussi contribuer à la « solidarité intergénérationnelle ». Voire. C'est oublier un peu vite que ces retraités-là – qui touchent entre 1 400 € seul et 2 200 € pour un couple – exercent déjà pour nombre d'entre eux une « solidarité » financière avec leurs propres enfants…
En privilégiant les actifs plutôt que les retraités, moins prompts à manifester dans la rue, Emmanuel Macron fait un choix politique qui peut s'avérer risqué dans les urnes, mais payant économiquement. Comme lors de la réforme de l'Impôt de solidarité sur la fortune dont il assure que les gains vont « ruisseler », le Président espère que ce petit « plus » de pouvoir d'achat sera bénéfique pour l'économie comme pour le moral. Mais, pour l'heure, il est trop tôt pour savoir si Emmanuel Macron sera considéré comme le Président de la feuille de paie… ou celui de la feuille d'impôt.
(Editorial paru dans La Dépêche du Midi du vendredi 2 février 2018).