Accéder au contenu principal

Les batailles du rail



En voulant refonder le système ferroviaire français, Emmanuel Macron engage une nouvelle réforme que d'aucuns peuvent juger la plus difficile ou, en tout cas, la plus sensible de son quinquennat. Aussi emblématique que la réforme du Code du Travail : première du quinquennat adoptée par ordonnances et contre laquelle le front syndical s'est retrouvé désuni. Autant que la réforme du baccalauréat, réputée infaisable et pourtant annoncée ce mercredi sans déclencher encore de fronde massive.

En engageant une telle réforme du rail, le chef de l'État ne parle pas uniquementde transports ou d'économies comptables, il touche à l'Histoire, notamment sociale, à une part intime de l'identité nationale et à l'idée que l'on se fait du service public.

Réformer la SNCF, qui a fêté ses 80 ans, c'est, en effet toucher à une entreprise qui a parfois façonné et souvent accompagné l'histoire de France, qui a contribué à l'aménagement du pays comme à la vie quotidienne des Français. Des cheminots-résistants magnifiés par le film de René Clément «La bataille du rail» aux ingénieurs qui inventèrent le TGV ; des Micheline rouges qui reliaient les préfectures de province aux trains de nuit Corail qui sillonnaient le pays vers la capitale ; des TER qui convoient tous les jours en régions étudiants et travailleurs aux RER franciliens qui irriguent le Grand Paris, chaque Français a une histoire personnelle avec le train. À l'heure de réformer le système ferroviaire du pays, le gouvernement se doit forcément de tenir compte de cette histoire riche et des hommes qui l'ont faite.

Et en même temps, sans nostalgie, il doit préparer l'avenir du rail aux mobilités d'aujourd'hui. Des mobilités qui connaissent, nul ne le conteste, de nombreux dysfonctionnements : retards de trains, bugs informatiques géants, entretien défectueux du réseau, gares vieillissantes, dessertes insuffisantes, etc.

Le rapport remis hier par Jean-Cyril Spinetta propose neuf grandes pistes de travail, toutes aussi décoiffantes les unes que les autres, entre suppression du statut de cheminot, ouverture à la concurrence, filialisation du frêt ou fermeture des petites lignes peu rentables. La musique qui se dégage des 120 pages du rapport pour réformer le rail est, d'évidence, libérale et toute entière tournée vers un redressement économique de la SNCF. L'électrochoc sera-t-il salutaire comme l'espère le gouvernement, ou fatal comme le redoutent les syndicats ?

Le gouvernement a prévu d'ouvrir rapidement une phase de concertation, dès la semaine prochaine. Gageons qu'elle soit la plus large possible. Car derrière la réforme ferroviaire se joue aussi une part de l'aménagement du pays. Derrière la bataille du rail se trouve celle des territoires. Si personne ne nie la nécessité de renforcer le train autour des métropoles, Paris en tête, personne ne comprendrait – et surtout pas les Régions qui ont beaucoup investi dans les TER comme en Occitanie – que certains territoires ruraux, déjà pénalisés par leur enclavement routier, ne se retrouvent coupés de tout. C'est le respect de cette condition d'équité qui pourra faire dire à Emmanuel Macron : réformer la SNCF, oui c'est possible.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi le vendredi 16 février 2018)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...