Une vingtaine de drones survolant la Pologne, un aéronef provenant de la Russie aperçu au-dessus du territoire roumain, deux avions de combat Mig russes détectés dans le ciel Estonien, de mystérieux drones aperçus au-dessus des aéroports de Copenhague (Danemark) et d’Oslo (Norvège). On pourrait aussi ajouter le récent brouillage du signal GPS de l’avion transportant la présidente de la Commission européenne en Bulgarie et celui de l’appareil de la ministre espagnole de la Défense lorsqu’elle se trouvait à proximité de Kaliningrad. La Russie a beau se défendre, nier toute responsabilité, ces incidents répétés, particulièrement dans la région de la Baltique, portent pourtant bien sa signature : celle de la volonté de Moscou de provoquer, de tester et d’intimider les Européens qui soutiennent l’Ukraine.
Cette stratégie d’intimidation poursuit ainsi deux objectifs : d’abord, amener les citoyens des pays membres de l’Otan à craindre la guerre ; ensuite inquiéter les chefs d’État et de gouvernement quant à leur capacité de protéger leur territoire d’une attaque russe. En opérant de telles incursions, l’armée russe peut par ailleurs voir quel est le niveau de protection et de réaction des systèmes de défense otaniens : quels radars seraient activés en Estonie et dans les États baltes voisins, en Pologne, en Finlande ou en Suède ; quels avions seraient déployés en cas d’alerte, depuis quelles bases aériennes et dans quels délais. Des informations d’autant plus précieuses que l’Otan vient de mettre en œuvre l’opération Eastern Sentry qui mobilise des forces et des moyens supplémentaires sur le flanc oriental de l’alliance.
Les Européens ont tout intérêt à garder leur sang-froid face aux provocations et à l’escalade de la Russie qui cherche à les diviser. Ils ont aussi tout intérêt à se montrer solidaires et fermes. Fermes comme le chef des armées de l’Otan en Europe, le général américain Alexus Grynkewich, qui a assuré qu’ « en cas de menace avérée, nous sommes prêts à défendre nos populations » ; ferme comme le ministre des Affaires étrangères polonais Radoslaw Sikorski qui, depuis l’ONU, a averti la Russie qu’à la prochaine incursion dans son espace aérien, les aéronefs seraient détruits.
Cette fermeté peut d’ailleurs être payante puisque Vladimir Poutine comprend davantage la force que le droit international. Le 24 novembre 2015, un bombardier russe en mission vers la Syrie, qui avait survolé pendant 17 secondes l’espace aérien de la Turquie, membre de l’Otan, avait été abattu. Après la colère de la Russie, Erdogan et Poutine s’étaient mis d’accord sur le partage de leurs sphères d’intérêt en Syrie.
Reste maintenant à savoir si les Européens, au-delà d’une nécessaire unité politique, ont les moyens de se défendre des intrusions. La guerre en Ukraine et les menaces russes ont conduit l’UE à enfin réfléchir à une défense commune. Dans son dernier livre blanc sur la défense, l’Europe veut mettre en place une défense aérienne et antimissile intégrée et multi-couches pour se protéger contre l’ensemble du spectre des menaces aériennes (avions, missiles de croisière, balistiques, hypersoniques et systèmes aériens sans pilote…). Mettre en place des technologies de contre-drones, renforcer le réseau d’aéroports, ports et corridors militaires pour permettre une réponse rapide en cas d’incursion ou d’agression, mutualiser des achats de matériels.
Les intrusions imputables à la Russie rappellent qu’il y a urgence à déployer tout cet arsenal et à prendre conscience qu’il faudra peut-être un jour s’en servir…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 25 septembre 2025)