Accéder au contenu principal

Dilemme

 

matignon

 

« Nous sommes prêts. Nous sommes volontaires pour être les suivants ! » lançait samedi 30 août le patron du Parti socialiste Olivier Faure aux universités d’été du PS. « Si le gouvernement tombe, on changera de politique », expliquait benoîtement François Bayrou dimanche soir lors de son interview aux chaînes d’information, semblant anticiper – en dépit de son interminable marathon médiatique – la chute inéluctable de son gouvernement lors du vote de confiance qu’il a sollicité de l’Assemblée nationale le 8 septembre. Mises côte à côte, les deux déclarations peuvent-elles ouvrir une nouvelle séquence politique qui verrait la gauche s’emparer de Matignon et faire une autre politique que celle conduite par les deux gouvernements précédents ?

Pour l’heure, cette question est théorique car elle dépend d’abord de ce que fera Emmanuel Macron. Le chef de l’État, qui a refusé l’année dernière de nommer Première ministre Lucie Castets – la candidate péniblement choisie par le Nouveau Front populaire (NFP) – invoquant son absence de majorité à l’Assemblée, peut-il cette fois se tourner vers la gauche alors que l’Assemblée est exactement la même ? Éludant la possibilité d’une nouvelle dissolution que réclame une majorité de Français, certains veulent croire que le Président – qui aurait dû nommer un NFP arrivé en tête des législatives de 2024, quitte à le voir échouer – ne peut que se tourner cette fois vers son ancienne famille politique.

Il y a pourtant derrière cette hypothèse une contradiction frontale pour la gauche. D’un côté, l’éthique de conviction pousse à refuser le pouvoir dans des conditions aussi intenables : une majorité introuvable – 192 députés pour l’ensemble du NFP quand la majorité absolue est à 289 ! – une droite et une extrême droite peu ouvertes aux compromis et qui guetteraient forcément les faux pas, des municipales qui approchent à grands pas et une présidentielle déjà en ligne de mire. Pourquoi s’user à Matignon en tenant une boutique branlante, quand il faudrait reconstruire patiemment une force politique crédible pour 2027 ? Matignon aujourd’hui s’apparente à un cadeau empoisonné.

De l’autre côté, l’éthique de responsabilité oblige à ne pas fuir le combat ni la possibilité de faire adopter un budget plus juste fiscalement et socialement. Le Parti socialiste s’est toujours revendiqué comme une force de gouvernement. Refuser Matignon, même dans des conditions aussi précaires, reviendrait à assumer une posture d’opposant permanent, que d’autres – à gauche comme à droite – sauraient exploiter. Comment, en effet, expliquer aux électeurs que l’on réclame depuis des années une alternance au macronisme, mais que l’on renonce au moment où elle devient possible ? L’argument de la fidélité aux valeurs républicaines et au sens de l’État plaide ainsi pour l’acceptation de la charge, quitte à en payer le prix politique plus tard.

C’est ce paradoxe qui ronge aujourd’hui le PS – et au-delà toute la gauche non-mélenchoniste qui ne trouvera son salut que dans l’union – et qu’on ressentait dans les allées de ses universités d’été entre déclarations officielles et confidences en « off ». Un paradoxe entre une prudence tactique légitime et une responsabilité historique, entre l’instinct de survie et le devoir de servir. Sauter dans le vide ou reculer au bord de la falaise, le dilemme reste entier. Mais il dit surtout une chose : si la gauche hésite devant Matignon, c’est peut-être qu’elle ne croit pas encore pleinement en sa capacité à gouverner durablement.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 4 septembre 2025)

 

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...