Accéder au contenu principal

Lignes rouges

 

radar

 

Les radars automatiques, ces sentinelles du bitume tant décriées, s’apprêtent à franchir une nouvelle étape : en 2025, une nouvelle génération de radars dopés à l’intelligence artificielle pourrait faire son apparition sur nos routes. Une révolution technologique qui pose autant de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Depuis leur installation en 2003, les radars automatiques ont contribué à une baisse spectaculaire de la mortalité routière. De 8 000 morts par an au début des années 2000, nous sommes passés sous la barre des 3 400 victimes en 2023. Un succès incontestable, même si leurs détracteurs préfèrent y voir une machine à cash pour l’État. Si la diminution du trafic routier, l’évolution des infrastructures ou encore l’amélioration technologique des véhicules ont joué un rôle, ce sont bien les radars qui ont fait changer le comportement des Français au volant, les obligeant à lever le pied.

Pourtant, force est de constater que la vitesse n’est plus l’alpha et l’oméga de l’insécurité routière. L’usage du téléphone au volant, le non-respect des distances de sécurité, les franchissements de ligne continue… Ces comportements dangereux échappent encore largement aux contrôles automatisés. C’est précisément là que pourrait intervenir l’IA. Les nouveaux radars seront capables, nous promet-on, de détecter simultanément une multitude d’infractions grâce à des algorithmes de reconnaissance d’image. Trois seraient ciblées en 2025 : l’usage du téléphone au volant, le non-port de la ceinture de sécurité et le respect des distances de sécurité. Un véritable bond technologique qui permettrait enfin de sanctionner ces comportements à risque. Mais à quel prix ? Car c’est bien là que le bât blesse. En dotant ces radars d’une intelligence artificielle – perfectible – capable d’analyser en temps réel le comportement des usagers, ne franchissons-nous pas une ligne rouge ? La perspective de voir des milliers de caméras scrutant nos faits et gestes, équipées d’algorithmes toujours plus performants, n’est pas sans rappeler les dystopies les plus glaçantes.

Le risque est réel de voir cette surveillance algorithmique se généraliser bien au-delà de la sécurité routière. Aujourd’hui les infractions routières, demain nos comportements dans l’espace public ? La frontière est ténue entre sécurité et surveillance de masse. L’histoire nous a suffisamment montré que les outils de surveillance, une fois déployés, sont rarement démantelés. Au contraire, ils tendent à se banaliser puis à se généraliser. On le voit avec la vidéosurveillance algorithmique déployée de façon expérimentale pour les JO de Paris et que certains veulent pérenniser ou développer.

Il est donc crucial d’encadrer strictement l’usage de ces nouveaux radars « intelligents » mais aussi de diversifier notre approche de la sécurité routière. En 2022, actant que la France fait moins bien que ses voisins, la Cour des comptes estimait que « les grandes mesures nationales visant les comportements devront, de plus en plus, être complétées par un recours à une gamme diversifiée d’autres moyens d’action, portant sur les véhicules, la signalisation et l’infrastructure. »

(Editorial publié dans La Dépêche du dimanche 3 novembre 2024)

 

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...