Il y a dans la vie des Français un rituel qui résiste à toutes les crises, même les plus sévères : la visite chez le coiffeur. Ce rendez-vous, qui rythme notre quotidien depuis des générations, est bien plus qu’une simple nécessité esthétique, c’est souvent un moment de pause, de convivialité et parfois même de thérapie improvisée – ah, les discussions avec son coiffeur ou sa coiffeuse. Dans chaque ville, le salon de coiffure demeure ainsi ce lieu unique où se tissent des liens sociaux, où se disent les dernières nouvelles du quartier, où se forgent aussi des relations de confiance qui durent parfois toute une vie.
Pourtant, ce secteur emblématique de l’artisanat français traverse une période de profonde mutation. La pandémie de Covid-19 a laissé des traces, avec une chute vertigineuse de 18,1 % du chiffre d’affaires en 2020. Le télétravail, devenu une habitude pour nombre de citadins, a bouleversé les rythmes de fréquentation des salons. Mais les coiffeurs font preuve d’une remarquable capacité d’adaptation et le secteur, très diversifié, sait se réinventer. Les barbiers qui fleurissent dans les centres-villes en sont l’illustration, eux qui attitrent une clientèle masculine de plus en plus attachée au soin de son apparence, et qui affichent une croissance de 6 %. Le salon de coiffure traditionnel n’a toutefois pas dit son dernier mot. Fort de ses plus de 100 000 établissements répartis sur tout le territoire – 10 000 en Occitanie – dont 26 % proposent des services à domicile, il reste le gardien d’un savoir-faire à la française reconnu mondialement ; les grands groupes comme Provalliance ou VOG côtoyant les artisans indépendants.
Les défis sont pourtant nombreux et certains salons sont confrontés à de réelles difficultés, notamment les petits salons traditionnels, car la concurrence entre les différents types de coiffeurs est féroce – certains estiment même qu’il y a trop de salons en France et redoutent une hausse de faillites. Ces derniers mois, l’inflation galopante a contraint certains professionnels à des équilibres délicats pour préserver leur clientèle. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée est aussi une vraie préoccupation : en 2023, il y avait quelque 10 600 postes à pourvoir. Le remboursement des prêts garantis par l’état (PGE) est aussi un sujet d’inquiétude. Mais au global, les salons de coiffure ont connu une progression de leur chiffre d’affaires cette année, selon le dernier Observatoire de la coiffure Fiducial paru en septembre dernier. Sous les effets conjugués de l’inflation et de l’évolution de l’offre vers des services à plus forte valeur ajoutée, le ticket moyen a continué d’augmenter.
La profession fait aussi montre d’une innovation constante : développement du bio, numérisation des prises de rendez-vous, personnalisation des services…
Le secteur se transforme ainsi sans perdre son âme en conjuguant tradition et modernité. Et les perspectives de la coiffure française, dont les professionnels représentent 1 % de la population active, restent encourageantes, avec une croissance attendue de 3 % pour 2024. Mais au-delà des chiffres, c’est la résilience de ce secteur qui impressionne. Les coiffeurs ont su préserver l’essentiel en s’adaptant sans cesse pour coller aux évolutions de la société mieux que n’importe qui : c’est peut-être là le secret de leur pérennité.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 22 novembre 2024)