Accéder au contenu principal

Restaurer la confiance

mairie


Ce n'est pas le moindre des paradoxes que vivent les maires de France. Élus les plus appréciés des Français, édiles de proximité qui bénéficient de la meilleure cote de confiance de toute la classe politique, ils sont aussi ceux qui se sentent les moins considérés par l'Etat, les moins soutenus de tous les échelons. Leur congrès annuel, qui se tient à partir de mardi à Paris, va permettre d'ailleurs de constater le blues des élus locaux, mesuré cette année par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) dans le cadre de l'Observatoire de la démocratie de proximité. Cette enquête, qui aborde de nombreux thèmes, avance un chiffre-choc : un maire sur deux ne compte pas se représenter en 2020 ; une proportion qui atteint même 55 % dans les plus petites communes. Alors qu'en 2014, lors des dernières élections municipales, 60 % des maires sortants avaient été réélus…

Pourquoi un tel changement, pourquoi certains décident de jeter l'éponge ? Nulle volonté cette fois de passer la main au nom du renouvellement des mandats – si nécessaire soit-il – mais plutôt l'expression d'une réelle inquiétude des élus et de leur lassitude pour un mandat aussi passionnant qu'exigeant, aussi prenant qu'ingrat, mais dont l'avenir s'est singulièrement assombri. Car depuis plusieurs années, les maires sont de plus en plus sollicités et doivent faire face à des administrés de plus en plus exigeants, prompts à ester en justice au moindre problème. Ils doivent également composer avec des capacités financières à la baisse pour leur collectivité, dans un contexte de profonde mutation dans l'organisation institutionnelle du pays. Entre le renforcement des régions dont le périmètre géographique s'est agrandi en 2013, des intercommunalités qui prennent de plus en plus d'importance et l'accélération du développement des grandes métropoles, quelle place va-t-il rester pour les 35 357 communes de France qui représentent quelque 40 % du total des municipalités de l'Union européenne ?

L'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée en mai 2017 aurait pu ouvrir un nouveau chapitre de la décentralisation, d'autant plus que son Premier ministre Edouard Philippe, ancien maire du Havre, ne cesse de répéter en toute occasion combien le mandat de maire est le plus beau de tous. Las ! C'est au contraire une recentralisation qui semble à l'œuvre. La mise en œuvre de la suppression de la taxe d'habitation, la volonté du gouvernement d'inciter fortement à des contractualisations conditionnant le versement de dotations, mais aussi des mesures mal vécues dans les zones rurales(comme la limitation à 80 km/h), ont acté la perte de confiance entre ce «président des villes» et les territoires. Avec la création d'un grand ministère des collectivités territoriales mi-octobre, un retour au terrain avec l'itinérance présidentielle du 11-Novembre, les liens semblaient se retisser peu à peu. En renonçant comme il l'avait promis à s'exprimer devant le congrès des maires, Emmanuel Macron envoie un bien mauvais signal à ces élus et éloigne un peu plus une réconciliation pourtant plus que jamais nécessaire.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 19 novembre 2018)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Principes et réalité

Seize mois après les manifestations historiques des agriculteurs, nées en Occitanie à l’hiver 2024 en dehors des organisations syndicales traditionnelles, voilà la colère paysanne de retour. Ce lundi, à l’appel notamment de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, et après de nombreuses actions ponctuelles ces dernières semaines, les tracteurs seront, en effet, à nouveau dans les rues pour dire l’exaspération des agriculteurs de voir les mesures promises si lentes à se mettre en place et pour rappeler l’urgence à agir aux députés, qui examinent ce lundi à l’Assemblée nationale une proposition de loi clivante lancée par le sénateur LR Laurent Duplomb. Ambitionnant de « lever les contraintes », ce texte, plébiscité par le monde agricole mais qui ulcère les défenseurs de l’environnement et les tenants d’un autre modèle agricole, propose entre autres de faciliter le stockage de l’eau, de simplifier l’extension des élevages, de réintroduire certains pesticides dont un néonicotinoïde qu...