Évènement incontournable outre-Atlantique depuis les années 70, le Black Friday (vendredi noir) s'est fait en quelques années une place en Europe, importé en 2014 par le géant du cybercommerce Amazon. À l'instar d'Halloween, cette grand-messe commerciale – qui s'étale sur trois ou quatre jours d'ailleurs – a pris une ampleur conséquente sur les sites internet de cybercommerce comme dans les boutiques physiques. De la grande enseigne au petit commerçant, toute l'économie se met à la page avec un tsunami de bonnes affaires et des réductions XXL qui touchent tous les rayons : électroménager, hi-fi, télévision, informatique, smartphones mais aussi habillement, maroquinerie, voyages et même marques de luxe. Pas un secteur n'échappe à la frénésie Black. L'internaute est bombardé de courriels vantant des promotions agressives, les boîtes aux lettres débordent de catalogues publicitaires dédiés à cette journée de tous les excès.
À l'heure où la croissance économique reste mesurée et où beaucoup de familles estiment que leur pouvoir d'achat n'est pas satisfaisant, le Black Friday est ainsi devenu une journée clé pour l'économie dans une période atone de l'année, entre la rentrée de septembre et les fêtes de fin d'année : celle où l'on vide les stocks pour les entreprises, celle où l'on peut préparer les cadeaux de Noël à moindre coût pour les familles. Cette année encore, les consommateurs devraient d'ailleurs être au rendez-vous et on devrait battre des records de ventes. Noël, le Black Friday et le Cyber Monday qui a lieu lundi prochain devraient ainsi représenter 19 milliards d'euros de chiffre d'affaires…
Mais si le Black Friday est générateur de ventes, il cristallise aussi de plus en plus de critiques. Les excès de consommation exacerbent les inégalités sociales et l'esprit de compétition entre les consommateurs pour décrocher tel ou tel produit en quantité limitée. Ils relancent aussi la guerre des prix entre grandes enseignes et attirent les cyberpirates qui multiplient les attaques informatiques. Surtout l'impact environnemental de ces produits bradés venus du bout du monde est de plus en plus criant pour des promotions parfois en trompe-l'œil. Au Black Friday, certains opposent alors un Green Friday – un vendredi vert – où l'on réfléchit à l'impact de notre consommation dans notre société et ses conséquences sur la planète. Certains, adeptes de la décroissance et de la consommation durable, proposent de ne faire aucun achat durant le Black Friday, source selon eux d'un immense gaspillage. Une position adoptée par de jeunes marques qui en viennent à fermer leurs boutiques sur internet. D'autres, moins radicaux, invitent à privilégier les producteurs locaux et les circuits courts afin de soutenir l'économie locale.
Entre le black et le green, entre les promos et les écolos, il peut aussi exister d'autres chemins. Comme celui de l'économie sociale et solidaire, qui voit coopératives, mutuelles, fondations, associations et syndicats pour conduire des activités selon des principes de solidarité et d'utilité sociale.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 23 novembre 2018)