À l'heure où la transition écologique appliquée aux transports occupe le devant de la scène avec le mouvement des gilets jaunes et le débat sur la fiscalité des carburants issus d'énergies fossiles polluantes, il est une autre transition que vient de rappeler Générations futures : celle visant à limiter les pesticides. Cette association de défense de l'environnement vient de décortiquer l'immense base de données des ventes des distributeurs (BDVD) qui donne les quantités des différents pesticides commerciaux vendus en France. De ce travail titanesque sont sorties plusieurs cartes édifiantes. Pesticides non utilisables pour l'agriculture biologique, pesticides cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), perturbateurs endocriniens (PE), ventes du désormais fameux glyphosate : tout y passe. Et ces cartes illustrent, mieux que de longs discours, le fait que la France, premier pays d'Europe par ses surfaces agricoles et second consommateur européen de pesticides, est bien dépendante de ces produits.
De ce constat – qui n'est pas nouveau – il convient assurément de tirer des leçons pour tous les acteurs de l'agroalimentaire : agriculteurs, industriels, politiques et scientifiques.
Côté agriculteurs, il faut rappeler que les producteurs sont bel et bien les premiers touchés par le potentiel impact des pesticides sur leur santé, particulièrement dans la viticulture, l'arboriculture et le maraîchage. Fut-elle tardive, la prise de conscience est désormais réelle et lors du dernier Salon de l'agriculture, la FNSEA, premier syndicat agricole, s'est engagée à réduire l'usage des pesticides. C'est heureux. Si une agriculture sans pesticides est illusoire, il convient d'en limiter dès aujourd'hui les effets. Non pas en stigmatisant ceux qui utilisent ces produits, mais en les accompagnant vers d'autres solutions plus respectueuses de l'environnement et de la santé, la leur et celle des consommateurs.
À l'autre bout de la chaîne, côté industriels, il convient très certainement de fixer de nouvelles règles. C'est ce à quoi s'emploie non sans mal la commission européenne du Parlement européen sur les procédures d'homologation des pesticides, dont le rapport sera soumis au vote le 6 décembre. Présidée par l'eurodéputé PS de l'Aude Éric Andrieu, cette commission a dû essuyer intimidations en série, piratage informatique, invitation à rencontrer secrètement de hauts responsables de l'industrie agrochimique, etc. Autant de pratiques détestables de lobbying qui attestent des enjeux financiers considérables des pesticides et donc de l'inflexibilité dont doivent faire preuve les élus, à Bruxelles comme à Paris.
Enfin, les cartes de Générations futures sont aussi un encouragement pour les scientifiques. À l'heure où le nouveau ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, demandait récemment aux scientifiques de « faire la preuve » des conséquences des pesticides sur la santé (alors que la loi impose à l'industriel de prouver que son produit n'a pas d'effet sur la santé), il convient de soutenir la recherche pour qu'elle comprenne mieux l'impact des pesticides sur l'homme, et qu'elle leur trouve les meilleures alternatives.
On voit que cette transition écologique, entre preuves scientifiques, principe de précaution, et pression de lobbys nécessite, maintenant – comme pour les transports – un engagement global, seul gage de succès.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 21 novembre 2018)