Accéder au contenu principal

Régulation

pacemaker


Le scandale des implants médicaux révélé hier par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) fait froid dans le dos et appelle les pouvoir publics et l'Union européenne à une action aussi urgente qu'implacable pour mettre un terme non pas à des dysfonctionnements isolés mais bel et bien à un système réglementaire gravement défaillant, qu'il faut reprendre de A à Z.

Ces dernières années, plusieurs scandales touchant à des implants médicaux avaient bien défrayé la chronique, comme les prothèses mammaires défectueuses PIP ou les implants contraceptifs Essure. Des affaires ramenées au rang de fraudes isolées et souvent sanctionnées par la justice. Mais des affaires qui n'étaient en fait que la partie émergée d'un iceberg monstrueux faisant de millions de patients des cobayes à leur insu.

Car le scandale des implants est double.

Côté pile, on découvre avec effarement la simplicité avec laquelle un fabricant d'implant peut obtenir le label CE. Contrairement aux médicaments, aucune étude clinique n'est réclamée, ni même une preuve de l'efficacité médicale sur le corps humain. L'instruction se fait sur dossier par l'un des 60 centres certificateurs, autorisés par les pouvoirs publics… et financés par les fabricants d'implants. Autrement dit, les contrôlés payent les contrôleurs. Premier dysfonctionnement.

Côté face, dès lors qu'il est établi un problème avec un implant médical, on est dans l'incapacité d'en connaître la portée sanitaire réelle. D'une part parce que les incidents sont peu signalés – entre 1 et 10 % seulement –, et d'autre part parce que l'absence de traçage de ces implants défectueux empêche de retrouver les patients qui en sont porteurs, désormais en danger, pour les prévenir et les suivre médicalement. Second dysfonctionnement.

Certes, il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur tous les laboratoires qui fabriquent des implants médicaux, car ceux-ci sont utiles voire vitaux pour des milliers de patients. Mais les deux dysfonctionnements mis au jour par la longue enquête du Consortium montrent que le lien de confiance entre les patients et le système de santé est gravement détérioré.

Pour le réparer, il est urgent d'en finir avec l'opacité administrative des procédures, la désinvolture pour ne pas dire l'aveuglement et le laxisme des agences et des gouvernements, la passivité et parfois la complicité du corps médical et, surtout, la pression des lobbys industriels qui, à Bruxelles, invoquent le secret des affaires pour empêcher l'émergence de règles contraignantes.

À six mois des élections européennes, l'Union et les pays membres ont l'occasion, avec ce terrible scandale, de montrer que l'Europe peut offrir un cadre protecteur et n'est pas une jungle sans règles. Et pour cela, une vraie régulation est nécessaire, qui fasse passer avant les intérêts privés le seul intérêt général.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 27 novembre 2018)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...