Il suffit bien souvent d'une photo ou d'une vidéo symboles pour prendre conscience de l'étendue d'une situation, de l'ampleur d'un malaise, de la gravité d'un problème qu'on ne percevait pas ou mal, et que parfois on taisait. En quelques jours, deux vidéos viennent de jouer ce rôle. La première, révélée le 20 octobre, montre un élève du lycée public Edouard-Branly de Créteil menacer sa professeure avec une arme factice pour qu'elle l'inscrive « présent » à son cours de biotechnologie. La seconde, dévoilée hier, montre un enfant de 7 ans, raconter que lui et son petit frère sont régulièrement battus par un camarade de classe d'un établissement privé catholique de l'académie d'Amiens. « J'ai envie de rejoindre le Bon Dieu et de mourir », lâche le garçonnet en pleurs dans cette vidéo déchirante, diffusée en pleine Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire.
Ces deux vidéos illustrent combien l'école est aujourd'hui devenue perméable aux comportements violents de la société : que ce soient ceux qui viennent de l'extérieur des établissements scolaires comme ceux qui se construisent à l'intérieur même de ces établissements. Une violence qui bouscule l'intégralité de la communauté éducative : professeurs ou proviseurs molestés par des élèves ou des parents, élèves harcelés par des camarades de classe, tous parfois menacés par des jeunes ou moins jeunes, extérieurs aux établissements.
Face à cette violence, il est urgent d'apporter des réponses, mais des réponses construites, réfléchies, pérennes, proportionnées et consensuelles, qui ne cèdent rien à l'émotion du moment – aussi légitime et compréhensible soit-elle.
La présence de policiers ou de gendarmes – qui a suscité l'indignation des enseignants – comme l'évaluation pointilleuse des professeurs ne sont sûrement pas de bonnes réponses. L'école n'est ni une caserne, ni une entreprise. Les seules réponses qui vaillent sont celles qui permettent à l'école d'être un lieu préservé pour remplir sa mission : la transmission du savoir.
Ces réponses à apporter, ces mesures nouvelles à inventer ne peuvent être trouvées qu'en mobilisant l'ensemble de la communauté éducative : les enseignants qui méritent soutien et écoute, les proviseurs et l'administration qui doivent entendre les dysfonctionnements soulignés par le mouvement #Pasdevague initié sur les réseaux sociaux. Mais aussi les municipalités, départements et régions, les représentants des parents d'élèves, les associations d'éducation populaire ou les fondations – comme celle du Groupe Dépêche – qui œuvrent pour la jeunesse.
Pour ce travail de co-construction, il conviendrait enfin d'ajouter les représentants des GAFA , car, quoi que ces multinationales du numérique en disent, leurs applications, leurs réseaux sociaux si prisés par les adolescents, véhiculent les images d'actes violents et parfois y contribuent quand il s'agit de cyberharcèlement.
La tâche, on le mesure, est immense mais elle est capitale pour que l'école reste ou redevienne le sanctuaire républicain qu'elle ne devrait jamais cesser d'être.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 9 novembre 2018)