En menant coup sur coup deux frappes ciblées contre des personnalités du Hezbollah et du Hamas, Israël a pris le risque de déclencher un embrasement au Moyen-Orient, au moment même où une pression internationale se faisait de plus en plus forte sur Benjamin Nétanyahou, pour qu’il conclue enfin un cessez-le-feu, après dix mois de guerre dans la bande de Gaza.
Mardi soir dans la banlieue Sud de Beyrouth, des avions de chasse israéliens ont détruit l’immeuble de Fouad Chokr, conseiller militaire d’Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, le mouvement chiite pro-iranien. Une opération conduite trois jours après l’attaque mortelle qui a visé un village Druze sur le plateau du Golan annexé par Israël. Quelques heures plus tard, à Téhéran, c’est le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, résident au Qatar mais qui venait d’assister à l’investiture du nouveau président iranien Massoud Pezeshkian, qui a été tué.
Depuis sa création en 1948, Israël s’est fait une spécialité de ces éliminations ciblées, méticuleusement préparées par ses agences de renseignements et, désormais, avec l’appui d’un arsenal technologique militaire de pointe. Déjà, en avril dernier, des frappes attribuées à Israël avaient détruit le consulat iranien à Damas, en Syrie, tuant plusieurs membres des gardiens de la révolution iranienne, dont le général Mohammad Reza Zahedi, commandant de la Force Al-Qods iranienne pour la Syrie et le Liban.
Est-ce parce qu’il a perçu, depuis son voyage à Washington la semaine dernière, que les États-Unis ne réviseraient pas leur soutien et ne l’entraveraient pas dans sa fuite en avant ? Est-ce parce qu’il a senti que ce possible cessez-le-feu à venir allait ouvrir un nouveau chapitre ; celui où il lui serait demandé – par les familles des otages et des victimes du 7 octobre – de rendre des comptes sur ses décisions qui ont fragilisé la protection des Israéliens au point de ne pouvoir détecter puis empêcher le terrible pogrom ? En tout cas, le Premier ministre israélien, qui a juré d’anéantir le Hamas sans y parvenir jusqu’à présent, a choisi la manière forte pour adresser un message clair à tous ceux qui menacent l’État Hébreu.
Cette spectaculaire double frappe rebat ainsi les cartes au Moyen-Orient et le monde attend avec angoisse la réaction de l’Iran (et de ses alliés), humilié avec la mort d’Ismaïl Haniyeh sur son sol et dont le Guide suprême, l’ayatollah Khamenei appelait hier à la vengeance. Après l’attaque du consulat syrien, Téhéran avait lancé plus de 300 drones et missiles contre Israël ; une attaque déjouée par Tsahal grâce à son « dôme de fer » protecteur. Qu’en sera-t-il cette fois ? L’Iran a-t-il les moyens de mener une guerre contre Israël ? Et Israël est-elle en capacité de pouvoir répondre simultanément sur plusieurs fronts : Gaza, le Sud Liban, l’Iran voire les Houtis ?
Pour tous ceux qui croient encore possible une paix au Moyen-Orient, enrayer cet engrenage nourri par les egos doit être la priorité des jours à venir ; pour les pays arabes comme pour l’Occident, qui devrait faire un sérieux aggiornamento de sa diplomatie concernant Israël et l’Iran. En ne soutenant pas assez les voix de la gauche et de la société civile israéliennes d’un côté, en n’appuyant pas suffisamment le mouvement Femmes, vie, liberté face aux mollahs, les plus radicaux restent aux manettes, prêts à plonger la région dans le chaos. Il y a urgence à empêcher cette escalade…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 1er août 2024)