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Nos chères autoroutes

 

peage

Il est bien loin le temps où la route des vacances vers les rivages du Midi était celle de la nationale 7 si joliment chantée par Charles Trénet. Aujourd’hui, ceux qui prennent leur voiture pour partir en congés sous le soleil, à la mer, à la montagne ou à la campagne privilégient majoritairement les autoroutes aux nationales pour arriver plus rapidement sur leur lieu de villégiature, quitte à endurer les journées rouges de bouchons que pointe Bison Futé chaque week-end de juillet et août. Le choix de l’autoroute se comprend car le réseau français, dense de 12 000 kilomètres dont 9 000 concédés, est l’un des plus sûrs d’Europe.

Et il évolue chaque année pour s’adapter aux nouveaux modes de vie et de transport. Sur les autoroutes, qui reconstituent le temps de l’été de singulières micro-sociétés, les aires de repos se sont enrichies de services, de commerces et d’activités diverses pour répondre aux demandes des voyageurs et leur permettre d’effectuer leur pause toutes les 2 heures ; elles ont aussi accueilli les bornes de recharge électriques amenées à se multiplier avec la fin programmée de la vente de voitures thermiques en Europe en 2035.

Enfin, les sociétés concessionnaires multiplient les initiatives pour faciliter le passage aux péages, entre la promotion massive du télépéage et l’arrivée du dispositif de péage en flux libre. Déjà expérimenté avec succès l’étranger, par exemple au Portugal, ce système est en place sur l’A79 dans l’Allier, et sur l’axe A13-A14, entre Paris et la Normandie. La suppression des barrières de péages cumule les avantages puisqu’elle permet de réduire les risques d’accrochage, de passer moins de temps sur la route et donc d’économiser du carburant. Reste qu’aussi indolore soit ce péage d’un nouveau genre, il n’en est pas moins l’illustration que l’autoroute reste bel et bien toujours payante, ce qui donne un goût parfois (très) salé aux vacances…

Tous ceux qui prennent l’autoroute cet été rêveront sans doute que la France imite l’Espagne. Dès son arrivée au pouvoir en 2018, Pedro Sanchez avait confirmé son intention de ne pas renouveler les concessions autoroutières de l’État qui arriveraient à échéance au cours de son mandat ; ce qui a permis de rendre gratuites plusieurs autoroutes. Mais il est vrai que l’Espagne ne comptait que 1 400 kilomètres de routes à péages, soit à peine 10 % de l’ensemble des autoroutes… En France, la situation est bien différente. Les autoroutes françaises ont été mises en concession à des sociétés privées en 2006 ; des contrats quasi léonins prolongés en 2015 jusqu’en 2036 et qui font des autoroutes des poules aux œufs d’or. Un rapport sénatorial indiquait en 2020 que les concessionnaires autoroutiers auront touché d’ici 2036 « entre 30 et 35 milliards » d’euros, soit au moins un tiers de plus que ce que stipulaient les accords passés avec l’État…

En février 2021, un rapport confidentiel de l’Inspection générale des finances (IGF) pointait ces profits records et recommandait de réduire les tarifs des péages de 60 % sur près des deux tiers du réseau. Mais ce rapport avait été enterré avant que la presse ne finisse par le dévoiler en 2022. Face à la surrentabilité des sociétés d’autoroute, Bruno Le Maire avait alors promis que pour « éviter toute rente », il souhaitait « raccourcir la durée des concessions de quelques années ».

Mais les contrats sont si solides et la situation de la France si déficitaire qu’on imagine mal s’orienter vers une coûteuse renationalisation pour l’État. Les autoroutes des vacances seront donc encore payantes… Mieux vaut pour l’heure se souvenir de Trénet pour qui, sur la route des vacances, « Le ciel d’été, Remplit nos cœurs d’sa lucidité, Chasse les aigreurs et les acidités… »

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 31 juillet 2024)

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