Accéder au contenu principal

Responsabilités

fakenews

À l’époque antique, les pyramides égyptiennes ont été bâties par des extraterrestres ; on peut avorter sans risque avec des produits à base de plantes ; les Américains ne sont jamais allés sur la lune ; il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école… Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces affirmations fausses et bien d’autres du même acabit, qui nourrissent parfois depuis des années des théories complotistes, séduisent de plus en plus de jeunes de 18 à 24 ans comme vient de le montrer une enquête Ifop… Une enquête immédiatement contestée sur les réseaux sociaux par certains qui voient des desseins cachés chez les commanditaires du sondage, la fondation Jean Jaurès et la fondation Reboot qui s’est donné pour mission de « réveiller l’esprit critique. »

Une mission qui apparaît aujourd’hui de plus en plus difficile tant les faits, notamment scientifiques, sont de plus en plus contestés et mis sur le même plan que des théories conspirationnistes, rebaptisées « faits alternatifs ». Jadis marginales, ces théories soutenues par une nébuleuse de charlatans, ont infusé de façon massive la société via internet et des réseaux sociaux – Facebook, Twitter, TikTok – qui modèrent bien peu voire pas du tout les propos qui sont tenus sur leur plateforme. Ces complotistes, dont certains ont des visées très politiques de déstabilisation des démocraties, ont profité des angoisses légitimes des populations générées par la pandémie de Covid-19 pour pousser leurs pions avec succès. Résultats : seul un jeune Français sur trois (33 %) estime aujourd’hui que « la science apporte à l’homme plus de bien que de mal » alors qu’ils étaient plus d’un sur deux à le penser il y a cinquante ans (55 % en 1972). Les jeunes se montrent aussi nettement plus sensibles que leurs aînés à des superstitions à caractère occulte – 49 % estiment même que l’astrologie est une science !

Cet essor en des croyances complotistes ou infondées s’explique, entre autres, par une immense défiance à l’égard de l’information verticale issue des autorités et des médias, à laquelle les jeunes préfèrent l’horizontalité de celle circulant sur les réseaux sociaux. Cette situation est aussi inquiétante que dangereuse : comment faire société sans l’acceptation par tous d’une base commune de faits incontestés et vérifiés ? Elle appelle en tout cas une réponse forte et claire de la part des décideurs du débat public pour en finir avec les concessions, les accommodements, les lâchetés qui abîment notre démocratie et le pacte social qui la supporte.

Il n’est plus acceptable de voir certains politiques, par un cynique calcul électoraliste, apporter crédit à certaines figures complotistes. Il n’est plus acceptable de voir certains médias, et particulièrement des chaînes d’information en continu, mettre sur le même plan la parole de vrais experts et celle d’hurluberlus au nom du buzz, du clash et de la course à l’audience. Il n’est plus acceptable, enfin, que les plateformes des géants du numérique laissent diffuser – et parfois amplifient – des propos trompeurs et dangereux. Il ne s’agit en aucun cas de brider la liberté d’expression, mais de tout simplement faire respecter les règles qui permettent à chaque citoyen, loin de toute pression et manipulation, d’exercer son libre arbitre.

Enfin, le rappel de ces règles ne saurait se faire sans un réarmement massif de l’Education nationale. Celle-ci n’a certainement pas besoin d’un énième débat sur le port de l’uniforme, mais de moyens humains et financiers pour remplir correctement sa mission, particulièrement dans l’enseignement des sciences.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 22 janvier 2023)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a